Il n'y a plus à Poudlard aucun moyen de communication avec l'extérieur. Du moins, en apparence... Et ça, tu es bien placée pour le savoir, puisque c'est toi, avec Clarke et Connor, mais aussi Lucy et August qui avez découvert que tout se trouvait dans l'aile est. Dès lors, tu décides de profiter de ton statut de sorcière de classe 1, que tu ne sais d'ailleurs pas comment tu as obtenu, pour essayer de retourner là bas. Tu sais que tu ne seras pas seule, et c'est l'essentiel. Tu en as parlé à Jeremiah, mais viendra-t-il? Dans sa position, tu n'as pas envie qu'il prenne de risques inutiles. Tu tiens beaucoup trop à lui pour cela. Mais tu sais pertinemment qu'il voudra en être quand même.

Il n'y a, à tes yeux, qu'une seule chose positive à tout ce qu'il se passe en ce moment: vous, les étudiants, avez été rapatriés au château. Tu n'as donc plus besoin de chercher d'excuses pour y venir et pour voir Jeremiah. Et il faut dire que c'est déjà énorme. Pour autant, le fait d'être tous coincés les uns sur les autres commence à être vraiment très pesant pour toi. Cela te rappelle tes années d'enfermement. Réellement, heureusement que l'ancien Auror est là pour te permettre de garder ton calme sinon, tu aurais sans nul doute déjà pété un boulon.

Enfin... Tu te faufiles dans les couloirs jusqu'au point de rendez-vous et tu te glisses dans l'ombre, craignant la survenue d'un des Aurors du ministère. Tu te fais, certes, discrète en permanence, sans doute est-ce pour cela que tu es dans la classe 1, mais tu n'en penses pas moins. Tu les exècres et n'as qu'une envie: te rebeller. Peut-être aurais-tu dû suivre Rosaleen à Durmstrang lorsqu'elle y est allée... Mais maintenant, il est trop tard pour cela. Durmstrang n'est plus accessible. Pour l'instant. Il faut faire avec ce que tu as devant toi. Et c'est l'espoir: l'espoir qu'ils n'ont pas tout brûlé, détruit. L'espoir que vous n'êtes pas coupés du reste du monde et que vous pouvez encore vous rebeller, et reprendre votre liberté.

Cela ne faisait que quelques jours que j'étais revenue à Poudlard et déjà je repartais vers les ennuis. Mais c'était plus fort que moi. Officiellement, j'étais revenue après deux mois de maladies, officieusement, je m'étais enfuie à Durmstrang mais les Blackburn m'avaient ordonnés de rentrer. Je n'avais donc plus le choix, j'étais obligée de revenir... Et puis avec la capture d'Amadeus, je n'avais plus envie de jouer aussi dangereusement avec le feu, du moins pour lui. Mais c'était également pour lui que je m'étais engagée ce soir. De nouveau séparés, nous n'avions même pas la possibilité de pouvoir se parler par lettre, car tous les hiboux avaient disparu de l'enceinte du château, et je savais que si jamais je tentais de faire partir Little Queen en France, elle se ferait intercepter avant de pouvoir la récupérer. Alors il fallait que j'aille faire un tour dans l'aile est du château, là où il paraitrait que des objets permettant de communiquer avec le monde extérieur se trouvaient.

A travers les vitres de ma chambre, les derniers rayons de soleil s'abattaient sur mon parchemin. Il était temps. Je rangeais alors mes affaires et quittai la salle, tandis que l'obscurité commençait à s'installer lentement dans les couloirs de Poudlard. Telle une ombre, je me faufilai à travers le château en évitant soigneusement les coins où j'entendais du bruit. Croiser un Auror n'était pas une bonne idée. Et enfin, j'arrivai à atteindre le point de rendez-vous, sans encombre. Sur place se trouvait déjà une jeune femme aux cheveux blonds. Était-elle ici pour les mêmes raisons que moi? Ou bien travaillait-elle pour le Ministère? Dans le doute, je plongeai la main dans la poche de ma robe de sorcier pour attraper ma baguette, puis je me raclai la gorge afin de signaler ma présence. Lorsque la jeune femme se retourna, je pus voir épingler sur sa robe un badge de Classe 1. Déjà un bon point, elle n'était pas une Auror. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ne faisait pas partie des Pro-Pritchard...

« Bonsoir! »

Jey était dans une position très délicate. Sa petite intervention lors de l'exécution n'avait pas plu du tout aux autorités compétentes. Avant cela, les traqueurs savaient qu'il avait une position tendancieuse, ne serait ce que parce qu'il avait aidé les résistants lors de la soirée du 31, a Londres, mais il pouvait encore maintenir l'illusion qu'il avait aidé quelques amis sans bien se rendre compte de la situation. Personne, et surtout pas ses anciens collègues, le croyaient assez idiot pour s'être mépris, mais ils n'avaient pas eu de preuve concrète. Bon ... maintenant, il était difficile de masquer sa véritable opinion sur les pratiques du Ministère et du directeur. Pas qu'il en ai eu l'intention d'ailleurs. Mais il tait certain que cela compliquait sa vie fortement. Au moins, ils ne l'avaient pas refoulé dans la classe 3, peut être car il était encore le seul professeur de l'école effectivement titulaire d'un diplôme en défense des nations, et donc capable d'assurer le cours dans sa matière. Or, pour cela, il avait besoin d'utiliser des sorts, et donc il restait la où il était. Enfin, en tout cas c'était ce qu'il avait conclu des récents bouleversements hiérarchiques au sein de l'école écossaise.

Le pire était l'impossibilité de communiquer. Il avait vaguement eu la confirmation que Cedric avait quitté la capitale pour aller enseigner a Beauxbâtons après les bouleversements au Ministère. Il savait aussi que son père et sa mère étaient partie voir des amis a Salem, officiellement pour que son père retrouve ses anciens camarades d'école, puisqu'il y avait suivie sa scolarité ... officieusement, la mère de Jey étant née moldue, ils voulaient éviter de rester dans la capitale. Elle n'avait déjà plus le droit d'exercer ses anciennes fonctions d'oubliator, la case suivante serait surement le camp de redressement nouvellement installé a Azkaban. Jey eu envie de vomir. Ca lui passa. Il devait retrouver un moyen de communiquer. Il n'avait plus de nouvelles de Pio, nouvelles sur lesquelles il comptait puisque l'italien était en contact avec la Résistance. S'ils devaient s'organiser a Poudlard,  en dehors des Maraudeurs bien sur, ils devaient récupérer des moyens de communication. Or, Kat lui avait parlé de la possibilité de trouver justement cela du côté de l'aile est. Il s'était retenu de sourire ironiquement en se disant que, décidément, il se passait toujours un truc dans l'aile est. Il aurait pu sourire, mais il n'en avait pas envie.

Il avait essayé de son mieux d'éviter de croiser du monde dans les couloirs qu'il avait empruntés. Trainer avec Pio et sa clique a Poudlard avait eu ses avantages, il connaissais pas mal  d'endroits a visiter selon les moments, ou quels itinéraires étaient moins risqués. Ca ne permettait pas d'éviter tout le monde, surtout étant donné le niveau de surveillance dans l'école en ce moment, mais c'était déjà moins oppressant. Il ne voulait pas commencer a être stressé avant même de tenter d'entrer dans l'aile est. Au tennis, on appelle cela craquer sur la fin. Il arriva devant le point de rencontre qu'il avait fixé avec Kat et l'y trouva comme prévu ... mais pas seule.

Mademoiselle Blackburn.

Il eu un sourire poli dans sa direction. Personne n'était censé savoir que c'était sa cousine. Il n'était pas sur de vouloir avoir cette discussion la avec Kat tout de suite. Plus tard oui, mais quand ils n'auraient plus l'impression qu'ils allaient peut être mourir demain. En attendant, il se tourna vers elle, un sourire inquiet mais calme sur le visage.

Si à chaque événement, Julia se disait que ça ne pourrait jamais être pire que maintenant elle se rendait compte à quel point elle avait tort. Elle avait longtemps cru que le pire était arrivé. Que, maintenant, le plus dure serait de se relever et de faire face… Mais finalement elle se rendait compte que chaque jour était un défi. Non pas pour se relever mais pour ne pas sombrer. Les temps n’étaient pas difficiles. Ils étaient insurmontables. La jeune femme n’avait rien sur lequel s’accrocher et elle ne pouvait même pas s’enfuir. Elle était prisonnière de sa vie, prisonnière de son don. Aujourd’hui encore plus qu’avant. Elle avait « rejoint » la Confrérie de l’Oracle et était clairement à leur disposition. Ils l’avaient kidnappée. Ils l’avaient faite passer pour morte et pris son enfant. Ils lui avaient donnée une nouvelle identité, un nouveau travail. Elle faisait partie d’un clan, d’un groupe connu et reconnu, presque redouté et pourtant il n’y avait rien de grand là dedans. Tout aurait pu être tellement différent. Elle aimait mettre son don à contribution, se sentir utile mais elle n’avait jamais envisagé devoir tout quitter. Faire partie d’un groupe qui la surveillait sachant très bien que sa loyauté n’était peut-être pas au rendez-vous.

De nouvelles castes, la suppression des quatre maisons. Blasphème. Elle avait voulu y croire. Croire que le monde magique allait se relever. Croire que Pritchard en serait le précurseur. Mais au fond d’elle savait. Elle savait que ça ne pouvait pas être vrai. Personne ne devient Ministre par l’opération du Saint-Esprit et aussi bons et honnêtes qu’ils puissent avoir l’air, on ne devenait pas Ministre sans quelques coups bas et autres manipulations.

Elle avait essayé d’être Clarke mais maintenant elle devait faire quelque chose. Ne plus rester les bras croisés et la jouer le plus discrètement possible.

Essayer d'avoir accès au monde extérieur, voilà ce qu'elle devait faire. Grace à une précédente excursion elle avait une idée assez claire de l'endroit où elle trouverait quelque chose. C’est en regardant par-dessus son épaule tous les deux mètres que la jeune femme avait rejoint le couloir sombre, prête à tout pour avoir des réponses.

Ça fait mal, ça fait penser et réfléchir. Et la solitude te brise plus encore. Tu as passé ces derniers jours à pleurer, ça t'a fait du bien au fond, ça t'a vidé, fais oublier un instant, un court instant. Ça t'a purgé, un peu. Alors aujourd'hui, tu as décidé de sortir de ton trou, de cesser de te conduire en lâche ermite. La lumière du jour t'a brûlé les yeux, le vent a emmêlé tes cheveux et séché tes lèvres. Tu as respiré, fort, très fort, tu as senti ces effluves, herbes mouillées et terre boueuse. Tu t'es sentis mieux et tu as souri.

Tu t'en serais tellement foutu, de ces maudites classes et de ses nouvelles règles. Les trois jours horribles que tu viens de passés t'ont enfermé dans un cocon immense qui a refusé de se briser pour quoi que ce soit. Maintenant, avec du recul, tu comprends que tu n'es que classe 2. La classe intermédiaire, ça t'a fait chier un moment et puis tu as réfléchi, à quoi bon ? Tu t'en fous. La réalité des choses t'a rattrapé bien trop vite pour que tu ne t'attardes pas sur ce genre de futilité.

Tu voulais l'envoyer, cette lettre. Tu avais décidé de l'écrire cette après-midi. Elle t'a détruit, de nouveau, mais tu avais oublié ce détail. Tu ne pouvais l'envoyé. Tu as soupiré et décidé de reprendre tes bonnes vieilles habitudes.

Tu es arrivé tôt à la salle commune ce soir-là, sa fraîcheur a fait frémir ta peau. Tu as attendu que la luminosité baisse complètement, que le soleil se couche et que la pénombre prenne place dans tout le château. Alors, tu as été très discrète et tu es sortis. En bonne serpentard, tu t'es montrée rusée et tu as atteint l'aile et sans te faire remarquer. Quand tu es arrivé, tu es resté surprise devant ces quelques personnes. Tu as froncé les sourcils et tu t'es demandé ce qu'ils faisaient tous là. Mais tu n'as pas fait demi-tour, tu as gardé la lettre bloquée contre ton torse, elle t'a donné du courage.

« Que faites-vous ?»

Tu as chuchoté, l’amertume habituelle dans ta voix se montre absente ce soir, seul le murmure d'une enfant perdue a franchi tes lèvres.

Il y a des choses qu'on ne comprend pas. Des personnes qui restent des mystères à nos yeux, des événements qu'on décide d'oublier. On prétend que ce n'est qu'une impasse, et qu'il y a bien d'autres chemins qui peuvent nous permettre de s'en sortir. Mais au final, on reste toujours aussi coincés, toujours aussi enfermés dans cette spirale infernale, dans ce monde qui ne nous appartient pas et dans ce théâtre qui joue une comédie que nous n'avons jamais approuvé. Les rideaux tombent trop vite. Les planches se brisent sous le poids des tragédies. On exprime notre colère par des mots qui blessent ceux qui nous entourent, et on oublie que la solitude n'est pas forcément obligatoire. On se rappelle qu'il y a des gens qui nous tiennent la main, mais qu'on refuse simplement de les voir. Il n'y a pas de remèdes miracles, on ne peut pas s'arrêter d'être méfiant. On ne peut pas s'arrêter d'être ce que l'on est. On peut juste essayer de faire comprendre au reste du monde que ce n'est pas toujours de notre faute. Qu'on ne choisit pas sa condition. Qu'on ne choisit pas de perdre, ou de gagner, mais que c'est le destin qui décide à notre place. Emma n'avait jamais aimé faire partir de ceux qui agissaient. Elle avait toujours trouvé le courage hypocrite. La bravoure est un mensonge, chacun des gestes est motivé par une raison sombre et inavouable. Il n'y a pas d'anges qui regardent, au dessus de nos épaules. Il n'y a que des démons qu'on laisse murmurer à nos oreilles. Pourtant, ce soir, elle s'était laissée convaincre. Comme d'habitude, elle laissait apparaître un détachement total et un cynisme imbuvable parce qu'il avait toujours été plus simple de faire comme si elle s'en foutait. Comme si rien ne lui importait. Mais ça la tuait, que ses amis continuent de se faire torturer, et qu'elle ne puisse rien faire pour changer la situation. Ca la tuait de se soumettre à des règles illégitimes, à des situations injustes. C'est dans des situations comme ça qu'on découvre la vraie signification du courage. Dans des situations comme ça qu'on apprend ce pour quoi on est prêt à se battre. Qu'on se rend compte qu'on n'est plus tout à fait seul.

L'aile est, elle en avait entendu parler. Elle avait écouté les rumeurs et elle y avait cru, parce que c'était exactement ce dont ils avaient tous besoin. L'espoir d'une porte de sortie. L'espoir qui s'infiltrait peu à peu et qui créerait une révolution. Mais l'endroit était gardé par une dizaine d'aurors et ils n'avaient pas l'air d'être prêt à bouger. Emma aperçut Destiny qui semblait complètement perdue. Elle arqua un sourcil. C'était exactement ce dont elle avait besoin. Elle la dévisagea un instant, à la recherche d'une stratégie, c'est là qu'elle remarqua le parchemin qu'elle serrait fermement contre elle. Emma regarda autour d'elle pour croiser le regard de Lila. «  T'as intérêt à trouver quelque chose, parce que je vais pas monter au sixième étage pour rien. » Puis elle s'approcha de Destiny. C'était injuste de l'impliquer de cette façon. Profondément injuste, même. Mais, en tout état de cause, il n'y avait aucune autre alternative. Il fallait faire diversion. Créer un effet de surprise. Libérer l'aile est assez longtemps pour que les autres puissent s'infiltrer dans les couloirs. D'un geste, rapide mais précis, elle s'empara du parchemin que Destiny tenait toujours contre elle et se mit à courir en direction des gardes sans penser aux conséquences, sans penser à ceux qui se tenaient derrière elle et qui attendaient le moment propice, sans penser à tout ce qu'un simple évènement pourrait déclencher. Elle se contentait de courir, en espérant que Destiny prendrait la mouche, en espérant que d'autres suivraient, parce que ce soir, ils allaient se battre, et ils allaient perdre pour que d'autres puissent gagner. Parce que ce n'était plus une question de courage ou d'honneur, c'était une question de vie ou de mort. Les élèves n'avaient pas le droit de se trouver dans cette partie du château, surtout pas les classe 2. Et elle n'eut qu'à s'approcher un peu plus de l'aile est pour que l'alarme magique se déclenche. Pendant quelques secondes, elle ne sut pas exactement ce qu'elle était censée faire. Elle n'avait pas sa baguette. Elle n'avait aucune arme. Alors elle fit la chose la plus stupide qu'on pouvait faire. Elle dégrafa son médaillon en le jetant à terre.  « Mort à Pritchard ! Mort à la république ! Longue vie à la résistance ! »

Il faisait froid. Il faisait sombre. Et elle marchait, se retournant à chaque seconde, la boule au ventre. Tellement de chose avait changé. Sa vie avait changé, sans qu'elle le désir. Et maintenant, elle devait également devenir une autre personne, évoluer. Elle avait peur. Peur de ne pas y arriver, peur de faire tout foirer, mais elle le devait. Elle faisait parti des maraudeurs, désormais. C'était son devoir de déjouer la Garde, de trouver une solution. Alors elle marchait, sans réel but, juste pour se vider l'esprit, juste pour ne penser à rien. Car elle avait trop de responsabilité, trop de tout. Elle porta sa main à son cou, toucha le petit médaillon en or. Le retourneur de temps, cet objet qui lui avait appris tant de chose. Cet objet que tant de personne désirait. Elle s'arrêta. Du bruit, oui, elle entendait des gens murmurer dans la pénombre. Sans s'en rendre vraiment compte, elle avait atterrie près de l'aile est du château. Elle avait oublié, ce qu'il devait se passer ce soir là. Cette mission, ce rendez-vous. Elle vit plusieurs personnes, des visages familiers, et une horde d'aurors gardant la porte.

Tout s’enchaîna rapidement, tel un rêve, quelque chose de surréaliste. Elle aperçut Emma, arracher quelque chose des mains de Destiny avant de courir vers les gardes. Sans se poser de question, elle lui emboîta le pas, et la vit jeter son médaillon à terre, avant de prononcer des paroles impardonnables, envers la république. Daisy se figea. Elle s'était retrouvée au centre de cette scène étrange, tous les yeux rivés sur elle, et Emma bien entendu. Un silence s'installa. Un silence qui lui sembla interminable. Alors elle prit son courage à deux mains. Elle devait changer, elle allait le prouver dès maintenant. D'un geste incertain, elle arracha à son tour le petit médaillon, et le jeta au visage d'un des aurors. « Ouais.... Tout comme elle dit ! » Daisy vint se placer près de sa camarade, avant de reprendre avec elle, en cœur :  « Mort à Pritchard ! Mort à la république ! Longue vie à la résistance ! »

Tu la tiens fermement, cette lettre. Tu avais tant envie de l'envoyer. Tu avais tant envie de trouver quelque chose... Mais tu n'en as tout simplement pas eut le temps. Ou la chance. Tu ne sais pas pourquoi, mais c'est ton parchemin qu'on te retire brusquement. Tu ne l'as même pas vu venir. Tu es resté, les yeux plantés dans le vide pendant tellement longtemps que lorsque tu es enfin sorti de ta transe, plus rien n'était entre tes doigts. Tu as cherché du regard un coupable. Tu as eu peur. Peur que cette personne puisse lire ses secrets. Mais lorsque ton regard a croisé celui d'Emma, c'est la rage qui a possédé ton corps. Tu as serré les dents et froncé les sourcils. À vrai dire, tu ne comprends pas trop son geste. Mais tu n'as pas à te poser cette question puisque, déjà, elle s'élance en courant vers les gardes. Non, non, non, elle ne va quand même pas faire ça . Pas leur montrer cette lettre pour leur donner une preuve d'une quelconque résistance ou tu ne sais quoi. Tu t'élances à sa poursuite, de toute façon tu n'as pas le choix. C'est ça, ou le sixième étage et franchement, tu n'en as pas très envie. Tu n'as jamais été très athlétique et tu n'as rien pour la ralentir, pas de baguette, pas de magie. Tu ne comprends pas ce qui se passe, en réalité, tu n'as pas trop envie de comprendre. Envie que cette réalité s’expose à tes yeux de nouveau.
Une alarme se déclenche lorsque la serdaigle s'approche un peu trop près de l'aile est. C'est vrai, tu n'as pas le droit d'être là. Elle n'a pas le droit non plus. Ton médaillon en est la preuve.

« Mort à Pritchard ! Mort à la république ! Longue vie à la résistance ! » Et merde. Putain, tu ne l'as cru pas aussi idiote que ça. Que cherche-t-elle donc à faire ? Les autres sont restés là-bas ? Tu comprends alors, rapidement, lorsqu'une deuxième élève, de classe 1, Daisy, l'imite et prononce des paroles identiques. Tu soupires alors. C'est ça, le plan. Emma est une fille très intelligente et mérite bien sa place chez les aigles. C'est à ce moment qu'il faut faire un choix. Essayer de partir en douce ou signer ton aller simple vers le sixième étage. Tu aurais dû partir, maintenant. Mais tu es resté droite, près de tes deux camarades. Tu as haussé les épaules. « Je n'ai rien dit, rien fait, mais je suppose que mon sort est le même de le leur. De toute manière, je pense comme elles. » Tu détaches ton médaillon, lentement, que tu donnes en mains propres à un garde qui a l'air de très, très mauvaise humeur. Pourtant, il semble incompréhensif face à ta réaction. Tu lances alors : « Mort à Pritchard. Et mort à vous. »

Toute la journée avait été maussade, tant au niveau du temps que de l’humeur. Depuis le changement de système, Eryn était en permanence sur le pied de guerre, et disposait de beaucoup moins de temps pour pratiquer ce qu’elle appelait « sa dose homéopathique » de liberté, c’est-à-dire s’entraîner, marcher dans les sous-bois, ou même courir le long du lac. Premier point qui n’était donc là que pour l’agacer. De plus, bien que la reprise de justice appréciât énormément son nouveau statut, elle devait bien avouer qu’il allait de pair avec nombre de responsabilités. Enfin, après des années à réclamer une voix, se révolter, elle avait fini au sommet de la chaîne alimentaire, la classe numero uno. La magie à profusion, des passe-droits en veux-tu en voilà, et surtout, surtout, le DROIT de persécuter les petits merdeux qui, il n’y a pas si longtemps, auraient frémi en sachant qu’ils frôlaient dans les couloirs une ancienne membre de l’OS. Mais pour profiter de tout ça, et bien, soyons honnêtes, il fallait rentabiliser l’usage de la magie. Faire régner en permanence un climat de terreur et d’angoisse dans les couloirs, en sélectionnant au hasard un élève à « interroger », en déclarant ouvertement l’ouverture d’une boîte à dénonciations. Eryn y avait ajouté un petit bonhomme souriant, avec un regard un peu fou, couleur sang. L’effet avait été remarquable, le nombre de délations avait triplé.

Cette nuit, c’était la nuit. Elle le sentait au fond de ses os, frémissant dans ses muscles et dans toutes les terminaisons nerveuses de son corps. Comme si, au fond d’elle, elle savait quand s’élèverait la « menace », si tant est qu’on puisse appeler menace une bande d’excités au sujet de Pritchard. Ses idéaux révolutionnaires avaient si bien été laminés par la machine du pouvoir qu’elle ne pouvait considérer les Résistants que comme des doux rêveurs, des enfants bercés d’illusion, seule lui restait l’intuition que ses supérieurs avaient remarquée, et qui l’avait tirée de la prison à vie. Power preserves itself, kids. Toute la journée, elle avait arpenté les couloirs, déguisée en élève, ses traits se changeant au gré des groupes qu’elle rencontrait pour mieux se fondre dans la masse, avait entendu des murmures, des éclats ponctués de « chuuut chuut » comme des mantras pour se protéger d’un dieu vengeur. Certains mots étaient revenus, mais rien de bien concret apparemment. De toute façon, il n’était pas de son ressort de déterminer la potentialité de danger d’une situation. L’ex-prisonnière d’Azkaban n’avait de poids qu’auprès des nouveaux opprimés, pas des oppresseurs – mais cela, elle n’y accordait que peu d’importance.

Alors qu’elle s’apprêtait justement à sortir se dégourdir les jambes, son regard fut attiré par un mouvement de masse dans un couloir. Un soupir mental s’éleva aussitôt – encore pour sa pomme, c’était bien sa veine. Trois gamines qui ont décidé de se laisser pousser des ailes, apparemment. Attendez mes colombes, j’arrive avec la pince coupante. Le temps de se retourner, et elle avait déjà enfilé une nouvelle tête, un homme métis d’âge moyen, avec une voix de baryton. « Allez, allez on se met en rang pour la fouille mesdemoiselles. Beau réflexe pour votre médaillon, j’imagine qu’on en tiendra compte au sixième étage ! »
Tandis qu’elle croise ses bras sur sa poitrine devenue plate, Eryn sait déjà ce qu’elle veut voir : le parchemin. Et des noms. Même si elle se doute, avec une pointe de mélancolie qu’elle étouffe rapidement, qu’il y aura beaucoup plus d’élèves que d’adultes dans le lot. Puisque vous aimez tant aller en première ligne, ils auraient tort de se priver.