« Franchement, je peux te poser une question ? » J'avais haussé la tête, avide de savoir ce qu'il voulait bien me dire. Je sentais l'excitation montait en moi crescendo. J'étais heureuse de voir que je pouvais tenir une conversation avec quelqu'un, que je pouvais attirer les gens vers moi. Ça faisait plus de dix minutes qu'on était assit là, dans le parc à se parler de tout et de rien. Ce mec était venu me voir sans raison, il s'était posé là et je l'avais accueillit à bras ouverts. J'avais besoin de ça, besoin d'affection, d'attention. J'avais le sourire aux lèvres, j'étais contente. « Oui, vas-y, je t'écoute. » Il semblait gêné. Je ne le trouvais pas spécialement beau, mais il était mignon, il avait un petit truc. « Hm... En fait, j'ai un service à te demander.. » Je l'entraîne à continuer avec un mouvement de tête, les sourcils haussés. Peut-être que ce n'est pas ce que j'avais pensé. « Ta meilleure amie.. Est-ce que tu peux me la présenter ? ». Je soupire. Effectivement, ce n'est pas ce que j'avais pensé. Putain, pourquoi faut-il que tout soit toujours ramené à elle ? Merde quoi. J'aurais dû m'en douter. Qu'est-ce que je suis, moi, comparé à une bombe atomique comme elle ? Je ne suis rien. Absolument rien. Nothing. Il me regarde, une lueur d'espoir entre les yeux. Je regarde son écusson. Il est à Serdaigle. Il est intelligent, non ? Il ne sait donc pas que la meilleure approche avec une fille et le direct ? Pourquoi toujours passé par sa meilleure amie. Personne n'avait de courage dans cette école, ou bien ? « Alors ? » Je pouffe un rire. Il est sérieux en me demandant ça en plus. « Non mais tu es sérieux là ? Est-ce que j'ai une tête à jouer les hiboux ? » Je me lève, me plante face à lui, l'air indignée. « Si tu veux une fille, tu vas la voir, c'est tout. » Mes gestes, je ne les contrôle pas, je commence à remuer mes bras dans tous les sens. Comme d'habitude, je fais toujours ça quand je sens la moutarde me monte dans la gorge. « Par le caleçon de merlin, je rêve. Il reste là, planté comme un con, sur son banc. » Bon d'accord, je deviens vulgaire, mais ce type m'énerve sérieusement. Je perds toute ma fierté là. Oh, et puis, j'en ai rien à battre. Quand on n'a rien, on n'a rien à perdre. « Et elle a quoi, hein ? Elle a quoi de plus que moi ? ». Je n'attends même pas sa réponse, après un ultime regard haineux, je pars.

Je me mets à penser à elle de suite. C'est vrai que je ne fais pas le poids contre elle. Je suis une fille banale. Banalement moche. J'ai un putain de gros nez, des yeux verts et des cheveux bruns. Rien d'exceptionnel. Elle, elle est parfaite. Elle n'a même pas du sang de vélane, et pourtant, elle si belle. Je soupire et, sur mon chemin, tire dans une pierre. Maman, pourquoi je ne suis pas comme toi ? Toi qui étais si parfaite. Je regarde un instant le ciel. Je me souviens de ses cheveux bouclés, parfaits. Son petit nez dont j'ai tant rêvé. Ses beaux yeux, son visage d'ange. Ma mère est un ange. C'est mon ange. Je sens les larmes me monter aux yeux. Je ne sais même pas pour quelle raison elles arrivent. De frustration, de jalousie, d'envie ou de tristesse ? J'essaie de les oublier le plus possible, les ravale tant bien que mal.

J'ai furieusement envie d'une clope, maintenant, là, de suite. De ma botte, je sors un petit paquet de cigarettes. J'en sors une et me la fourre à la commissure des lèvres. Je n'ai pas l'habitude de fumer, alors pourquoi je me trimbale avec un paquet dans ma botte droite ? Je ne sais pas, j'ai besoin d'être toujours prête pour me détendre. Oui, je sais, ce n'est pas bien, mais qu'est-ce que ça peut foutre ? Personne ne se préoccupe de ce qu'il se passe dans ma vie. La moitié de mes "amis" ne savent même pas que je fume, alors, pourquoi devrais-je arrêter ? D'un coup de baguette, je l'allume. Je tire une grosse taffe. Elle me brûle la gorge, m'arrache un toussotement. Je répète : je n'ai pas l'habitude de fumer, donc à chaque fois que je m'en fais une, j'ai toujours la même réaction. J'oublie la douleur éphémère de ma gorge pour me re concentrer sur celle morale que je traverse. Ne vais-je jamais faire mon deuil ? À quoi bon ? Je ne veux pas oublier ma mère. La souffrance est la seule trace de son existence à présent. J'aime souffrir, ça me prouve qu'elle a été là pour moi. D'un côté, je suis heureuse. Je fume ma clope entièrement, tout en marchant nonchalamment. Je ne sais pas où je vais, mes pieds me portent, je marche rapidement, pensive.

J'arrive au terrain de quidditch quelques minutes plus tard. C'est vrai que j'avais envie de venir ici, envie de me sentir voler. J'aimerais tellement faire partie de l'équipe de l'école, mais je n'aurais jamais le courage d'essayer. Ni le temps d'ailleurs. J'ai l'impression de ne jamais avoir le temps. Le temps nous fait des coups bas. Le temps n'attend personne. Il file, tel un égoïste qui est sur le point de rater son train : il ne fait pas attention aux gens qu'il bouscule, à qui il fait mal. Il ne pense qu'à une chose : arriver à faire ce qu'il veut. Et ce que le temps veut, c'est la mort. Parfois, j'aimerais qu'il me rattrape. Parfois, je veux qu'il s'en aille loin de moi. Je suis une fille assez lunatique, et c'est qui fait de moi ce que je suis, je suis spéciale dans un sens, je pense. Je m'assois sur les gradins après les avoir monté un par un. Je soupire, inspirant l'air frais qui me remplit les poumons, juste après me les avoir noircis avec de la fumée malsaine.

Voler de ses propres ailes. S'agripper à son balai, et se laisser chuter vers le sol, vers la collision. N'avoir pour seul rempart contre la destruction qu'un balai. Un balai magique, un balai enchanté, mais un foutu balai. Ludwig avait toujours regardé de loin les rares courageux qui jouaient au Quidditch, à Dürmstrang. Il fallait dire que c'était un sport plutôt désuet. Bien qu'il ne l'ait jamais reconnu, il avait toujours voulu y jouer. Mais non, il ne l'avait pas fait. Il avait fait ce que l'on attendait de lui, des sports plus nobles. Du tir à l'arc. De l'escrime. Il était même plutôt doué. Il avait aussi pris part aux randonnées à dos d'antilopes - il fallait dire que c'était une activité plutôt imposante, surprenante, et il aimait le cachet qu'elle donnait, la surprise qu'elle créait lorsqu'il l'évoquait. Eusse-t-il été un peu plus futile et manipulateur, il l'aurait utilisé comme phrase d'accroche pour acquérir l'amitié ou l'amour des gens. « Salut, je t'emmène faire un tour sur mon antilope ? »

Mais il ne l'était pas, et il montait les antilopes pour son propre plaisir. Et si le Quidditch lui plaisait plus que les balades en antilope ? Il s'était toujours senti attiré par ce sport, sans jamais franchir la ligne de départ. Peut-être était-ce le temps ? Peut-être était-ce que Ludwig avait toujours recherché… Peut-être avait-il besoin de l'adrénaline du Quidditch, comme il avait besoin de se confronter à l'autre Ludwig ? Peut-être, simplement, cherchait-il l'aventure, et peut-être était-ce la raison pour laquelle il était venu à Poudlard ?

Il se le demandait toujours, ce matin là. Il avait certes rencontré Ludwig et bien d'autres gens, mais était-ce sa place ? Appartenait-il à cette école ? N'aurait-il pas mieux fait de rentrer chez lui, de reprendre sa petite vie rangée à Dürmstrang ? Il ne l'envisageait pas réellement, bien trop impliqué dans la vie de cette école pour laquelle, même pas un mois après son arrivée, il avait combattu. Ecole qu'il avait défendue contre des inferis, sans même comprendre la situation dans laquelle il se trouvait. Mais était-ce son rôle ? Se devait-il de défendre Poudlard, alors qu'il abandonnait Dürmstrang ? Où se situait sa loyauté, à ce moment là ? Causait-il du tort à sa mère ?

Il n'avait trouvé de meilleur façon de se prouver qu'il appartenait à l'école qu'en allant essayer de faire du Quidditch… ou de voler sur balai, du moins. Il n'avait pas de balai personnel, mais il avait entendu des joueurs d'une des équipes dire que ceux dans les cabanons à proximité du terrain étaient disponibles pour tous… Au moins, personne n'y serait, et il ne se produirait pas en spectacle. Il était donc sorti, avait allumé une cigarette - une bien mauvaise habitude dont il ne souhaitait pas se défaire, et avait pris le chemin du terrain de Quidditch. Arrivé là, il vit une jeune fille sur les gradins, ultime barrage entre lui et sa tentative. Il n'avait pas vraiment envie de se ridiculiser devant quelqu'un d'autre, alors il monta la rejoindre.

« Bonjour. J'espère que je ne te dérange pas… Je comptais essayer de voler, mais je ne l'ai jamais fait, alors je remettrais ça à une autre fois. Excuse moi de venir te parler comme ça, je n'ai pas réfléchi. Dis le moi, si tu veux que je parte… »

‘Nouveau’ aurait tout aussi bien pu être écrit sur son front.

Ludwig ne se formalisait pas du temps qu'elle avait mis à lui répondre, lui-même se perdant aisément dans ses pensées, à l'occasion. Il fixait le terrain de Quidditch, à mi chemin entre l'anxiété et un frisson d'excitation à l'idée qu'un jour il pourrait peut-être jouer. Il ne comprenait cependant rien aux règles du Quidditch, ou du moins, s'il avait saisi la théorie, n'avait aucune idée de la manière dont elle pouvait s'appliquer en pratique. Après tout, il avait vaguement volé sur un balai, lors de leurs cours bien maigres durant ses premières années à Dürmstrang, mais il n'avait pas vraiment pris la peine d'aller plus loin que les bases.

Sa cigarette s'était entièrement consumée, aussi il en alluma une autre, en tendant une à la jeune femme à ses côtés, bien qu'il ne sache pas si elle fume. Lui, fume comme un dragon. Tout le monde insiste lourdement sur le fait que c'est mauvais pour sa santé, très nuisible en particulier à cause de son diabète, mais il ignorait pertinemment tous ces bien pensants. Que leur importait qu'il ruine sa propre santé ? Il tenait à la vie, mais il avait malgré tout quelques mauvaises habitudes assez inconscientes, et défiait quiconque de l'obliger à arrêter. Il se contrôlait beaucoup sur le reste, il ne pouvait seulement pas imaginer qu'on lui enlève le plaisir de fumer. La jeune femme lui répondit, lui faisant signe visuellement et en paroles de s'asseoir à ses côtés, ce qu'il fit donc. Après tout, les gradins étaient hauts et monter les marches n'avait pas été de tout repos. Il sourit à ses propos, desquels ressortaient de l'incrédulité. Il savait que le Quidditch était très populaire dans l'école, il n'était donc pas surpris que la demoiselle se questionne.

« Très peu. Seulement dans mes premières années à Dürmstrang, mais ça n'est pas aussi connu qu'ici. Pas beaucoup de gens volent, et encore moins font du Quidditch. Je suis très intéressé du Quidditch, c'est pour ça que je venais ici, mais j'avoue que jouer tout seul n'aurait pas été très bon… Et avant de jouer, s'entrainer à voler me semblait une bonne chose. Je ne sais même pas si l'on peut jouer sans être dans une équipe ? »

Il sourit à sa question, s'étonnant qu'elle ne se la soit pas demandée plus tôt, d'autant plus avec son accent qui avait des sonorités nordiques et pas du tout anglophones. Il s'était, bien évidemment, entrainé à apprendre l'anglais depuis qu'il avait décidé d'aller à Poudlard il y a quelques temps déjà, mais ça ne faisait que très peu de temps, et il butait sur beaucoup de mots encore.

« Je viens de Dürmstrang, je pensais que mon accent me trahissait de suite, dit-il en esquissant un petit sourire à son attention, je ne suis à Poudlard que depuis le début du mois de novembre. J'ai encore un peu de mal à m'habituer d'ailleurs. »

Il fit un geste de la main, signifiant qu'elle n'était pas indiscrète, après tout il avait engagé la conversation, et elle ne demandait rien de gênant.

« Ne t'excuse pas, il n'y a aucun problème. Ca n'est pas vraiment un secret, et je peux difficilement cacher que je ne suis pas anglais. »

J'observais à nouveau le terrain. Je distinguais vaguement les anneaux de quidditch qui se trouvaient vers le fond, ma vue ayant largement baisé depuis que je m'étais mise à lire des gros bouquins de 500 pages. Je m'étais d'ailleurs étonnée sur ce coup-là, mais depuis la mort de maman de m'étais un peu renfermée, et la solitude vous pousse à faire des choses inimaginables. Mais ça avait eu une influence plutôt positive sur moi, j'arrivais à présent à avoir de bonnes notes presque partout.

Enfin bref, je me reconcentrais sur mon interlocuteur lorsqu'il me tendit une cigarette, que je pris bien évidemment. J'avais déjà fumé assez pour la journée et ce n'était pas dans ses habitudes de fumer comme un pompier (comme disait sa grand-mère), mais une de plus ne devrait pas me faire de mal. Je la pris alors dans ma main et la fourra dans ma bouche. En tâtonnant ma poche arrière, j'y sortis un briquet et l'alluma alors, tirant longuement sur la clope, faisant échapper la fumée par mes narines.

« Très peu. Seulement dans mes premières années à Dürmstrang, mais ça n'est pas aussi connu qu'ici. Pas beaucoup de gens volent, et encore moins font du Quidditch. Je suis très intéressé du Quidditch, c'est pour ça que je venais ici, mais j'avoue que jouer tout seul n'aurait pas été très bon… Et avant de jouer, s'entrainer à voler me semblait une bonne chose. Je ne sais même pas si l'on peut jouer sans être dans une équipe ? »

Dürmstrang ? Depuis ma scolarisation à Poudlard, j'avais toujours rêvé d'y faire un tour en invité. J'avais d'ailleurs lu plusieurs livres sur l'école de magie se trouvant au nord. Mais jamais je n'y avais eu l'occasion. J'avais déjà vu des photos, étant donné que mon cousin y avait étudié durant mes deux premières années, mais je n'avais jamais entretenu de bonnes relations avec lui, alors je n'avais jamais osé lui demander de m'y emmener.

Le quidditch, le rêve de plusieurs d'entre nous. Mon rêve également, mais comme j'ai toujours dit : les rêves sont les rêves, et ils ne sont pas fait pour se réaliser.

« Oh, le Quidditch, c'est la vie. Mais c'est également un doux rêve. Ce n'est pas bien compliqué de voler tu sais, si tu y tiens, un jour je pourrais peut-être t'apprendre à te tenir bien sûr un balai. Oh, je sais très bien que je ne suis pas une experte, ni une prof exceptionnelle, mais pourquoi pas, si je peux aider quelqu'un. »

J'hausse les épaules, me surprenant moi-même de la sociabilité dont je fais preuve, je n'ai pas l'habitude et ça doit sûrement se voir sur mon visage. Je continue tranquillement de fumer, sachant qu'à chaque bouffer de ce doux poison, mon coeur se serre, a vu se brouille, mon odorat suffoque, ma vie se consume à petit feu.

« Je viens de Dürmstrang, je pensais que mon accent me trahissait de suite, je ne suis à Poudlard que depuis le début du mois de novembre. J'ai encore un peu de mal à m'habituer d'ailleurs. »

Je ne fus pas totalement surprise, mais je n'avais pas remarqué son accent, et maintenant que j'y fais attention, je le remarque, et ça me stress. Je fis alors un petit sourire.

« Vraiment ? Tu sais, moi et les accents, ça fait deux, voir plus. » je tire une nouvelle taffe, plongeant mes iris dans les siens. « Poudlard, c'est intimidant, au début, mais tu verras, tu t'y feras au fur et à mesure. Personnellement, je trouve cette école géniale. Surtout que la bouffe que l'on sert ici à de la gueule. » je fais une courte pose, et reprends alors. « Le seul petit problème, c'est qu'il n'y a que des cons ici, vraiment. Je veux dire, pas que les gryffondors, qui sont quand même les moins intelligents de tous mais... euh... Voyons, les serdaigles par exemple. » Je regarde son insigne et grimace légèrement. « Désolé... Il y a des exceptions à tout, comme on dit. »

« Ne t'excuse pas, il n'y a aucun problème. Ca n'est pas vraiment un secret, et je peux difficilement cacher que je ne suis pas anglais. »

Je répondis alors simplement :

« Je m'en doutais. »