En regardant à travers la fenêtre, Imogen vit un rayon de soleil, elle sourit en se disant qu’aujourd’hui au moins il ferait beau. Elle s’habilla plutôt légèrement, heureuse « Mais t’es complètement tarée Imo, il fait trop froid dehors ! » répliqua Emily, sa voisine de dortoir quand elle la vit se lever pour partir uniquement vêtue d’un tee-shirt fin. « Oui mais j’ai envie que ça soit encore l’été » Emily se mordit la lèvre pour ne pas éclater de rire. « Tu vas te geler, c’est moi qui te le dis ! » Imogen fronça les sourcils, elle n’aimait pas le froid ni qu’Emily ait trop souvent raison mais si elle attrapait mal, Emily se moquerait bien d’elle. La première année fit demi-tour et voulut passer la main par la fenêtre pour tester l’air, un courant glacé remplit la pièce avant même qu’elle n’ait pu tendre la main. « Ok, t’as raison. » Capitula-t-elle en riant et alla vite chercher un gros pull et une écharpe. Imogen regrettait les temps Mexicain, où en Octobre il est encore largement possible de se balader en maillot de bain pour aller se baigner. Trois minutes plus tard elle était dehors prête à aller en cours.

La journée passa lentement, les cours n’était que théoriques puisque ce n’était que le début de l’année et la jeune fille avait bien hâte d’apprendre à manier la magie comme son papa, son héros. Elle souriait en dessinant sur son cours, histoire de se divertir sans trop s’ennuyer, en écoutant d’une oreille distraite ce que le professeur racontait. Elle était au deuxième rang, cachée derrière un grand Serpentard, normalement elle n’avait pas trop de soucis à se faire. Quand la cloche sonna, elle se permit un sourire triomphant, elle était passée entre les mailles du filet, la prochaine fois elle participerait pour se faire pardonner. C’était qu’elle était tout de même sérieuse cette petiote.

Au repas de midi, elle eut une folle idée pour égayer sa journée. Elle en avait marre de la monotonie de Poudlard, elle qui avait l’habitude de tant bouger et courir partout ! De visiter des musées, des lieux à longueur de temps ! D’apprendre l’histoire des villes et pays, découvrir des cultures étrangères … Même si les cours étaient parfois passionnant, ce n’était pas la même ambiance que ce qu’elle avait toujours vécu et cela lui manquait. Elle décida donc de bouleverser ce train-train quotidien. La jaune et noire s’approcha de la tapisserie représentant une coupe de fruit et chatouilla la poire jusqu’à ce que la poignée se forme. Elle vérifia que personne n’était dans les parages et fonça dans la cuisine. Il faut dire que les poufsouffle avaient un avantage sur les autres maisons, ils étaient trop près de la cuisine pour l’éviter, et notre chère Imogen savait toujours à qui parler pour obtenir ce genre d’information. Bien vite elle demanda aux elfes de quoi faire un pique-nique pour deux personnes. Le panier était immense pour l’estomac de moineau de la jeune fille, mais mieux vaut trop que pas assez. Elle osa demander une tarte tartin en dessert qu’ils lui firent sur le champ. La demoiselle Westonburry avait toujours grandit dans une ambiance familiale ou l’on reléguait aux autres ce que l’on ne voulait pas faire, cela ne la dérangeait donc pas le moins du monde de faire travailler les elfes plus que nécessaire, au moment même du repas. Et puis ils semblaient si heureux de rendre service !

Armée de son repas qu’elle cacha dans son sac, la jeune fille se rendit dans la grande salle pour chercher son amie. Elle avait déjà prévu ce qu’elle voulait faire, il ne lui manquait que la fille. C’est au rire de la serdaigle qu’elle la reconnu et bien vite Imogen se faufila entre les rangées pour atteindre la sixième année. « Emma ! Ne t’assois pas, aujourd’hui tu manges avec moi. » Elle arrivait pile au bon moment, Imogen remercia le professeur qui avait dû retenir ses élèves, parce que sinon elle serait déjà en train de manger. Si la serdaigle semblait étonnée, la poufsouffle n’en fit rien et l’attrapa par le bras. « S’il te plait ! » lui demanda-t-elle avec des yeux dignes de ceux d’un faon abandonnée. Si Emma hésita, cela ne dura pas bien longtemps car elle finit par suivre la petite qui arborait un air satisfait. Enfin cela changeait de la routine : manger dans la même pièce, à la même place, les mêmes plats !

Imogen quitta la grande salle, puis le hall et se retrouva dehors. « J’ai trouvé un endroit super l’autre jour en me baladant, on va être bien. » elle marqua une petite pause, jugea du regard la tenue de son amie. « Heureusement tout de même que tu as un pull. » finit-elle dans un grand sourire. Le temps ne s’était toujours pas réchauffé et l’air extérieur restait très très très frais. Enfin elles furent arrivées à destination, sur la gauche du parc à la lisière de la forêt interdite, de l’autre côté de la stèle blanche, se trouvait une table. Presque sous l’ombre des arbres, cette table ne devait pas être souvent utilisée, c’est pourquoi Imogen l’avait tout de suite trouvée à son goût. Elle sourit, s’assit sur le banc, sortit le pique-nique de son sac et le déposa au milieu en souhaitant un « Bon appétit ! » à son amie. Elle se servit d’un sandwiche et grignota dedans avant de continuer à parler. « C’est vrai que c’est bizarre comme attitude et c’est pas extrêmement génial parce qu’il fait un peu froid… MAIS j’avais envie de changer d’air et de faire un truc pas tout à fait comme d’habitude. Ça ne te dérange pas j’espère ? » Elle lui sourit avec joie, bien sur que non cela ne la dérangeait pas. Enfin elle n’avait pas intérêt !

Mark Twain disait que, lorsqu’on avait un doute, il fallait dire la vérité. Pendant longtemps, j’ai cru que le mensonge serait le chemin vers la rédemption. Parce qu’il était bien plus facile de vivre dans une illusion confortable que de regarder la vérité en face. Le problème, pour les gens qui, comme moi, veulent toujours connaître la vérité, c’est qu’on est incapable de vivre dans le mensonge. Et pourtant, c’est ce qu’on fait tous les jours. On se réveille, on fait comme si tout allait bien. On parle des mêmes choses. On voit les mêmes choses. Qui pourrait différencier un mardi d’un mercredi ? Alors on se pose des questions. On se demande pourquoi. Pourquoi est-ce qu’on continue d’avancer alors qu’on n’a pas fini de vivre le passé ?

On ne sait jamais ce qui peut arriver. J’avais beau croire aux pouvoirs de la science et de la divination, mais il y avait quelque chose qu’elles avaient oublié de prendre en compte : la volonté humaine. La volonté humaine peut accomplir bien des choses. Parfois bonnes, parfois mauvaises. La guerre civile en avait été une des plus sombres manifestations. Et parfois, je le voyais encore. Tout ce sang. L’odeur de la mort de l’être de l’eau n’arrangeait rien à nos terribles secrets oubliés. On sentait la malédiction qui planait sur nous tous les jours de notre vie. Et on ne pouvait rien faire. Rien à part attendre.

Personne n’était vraiment concentré en cours. Parce qu’on sentait que quelque chose allait arriver. Une aurore sombre et ténébreuse qui se lèverait sur nos existences et qui ne partirait qu’après maints combats. Les sortilèges n’avaient plus le même effet. Des maladies apparaissaient. Et les vérités pouvaient bien varier. D’une crise passagère à l’apocalypse. On savait déjà qu’on y passerait tous. Parce qu’on était la génération perdue. La génération qui devrait vivre avec la mort. C’était comme ça.

Le professeur nous garda plus longtemps que d’habitude. Ca ne dérangea personne. En cours, on se sentait en sécurité. Parfois, j’avais même peur d’ouvrir la porte de la salle de classe pour y trouver une nouveau mort. Les aurors traînaient dans les couloirs en silence. Eux non plus ne savaient pas ce qui nous attendait. Qui pouvait s’en targuer ? Un soupir lorsqu’il nous libéra. J’arborai mon fidèle sourire, mais je n’y croyais plus. Et peut-être que ça se voyait. Dans tous les cas, je serais la croix que j’avais héritée de ma mère et que je portais constamment à mon cou. Peut-être qu’un jour j’irai la voir. Peut-être qu’un jour je lui pardonnerai. Pour l’instant, il me restait encore des questions à résoudre.

« Emma ! Ne t’assois pas, aujourd’hui tu manges avec moi. »
« Et bonjour, c’est pour les chiens… C’est pas contre toi petite perle. »

Petite perle, c’était mon nouveau chien. Un petit monstre à trois tête qui n’avait rien trouvé de mieux que de me suivre partout où j’allais. Et Dieu, qu’elle était susceptible. Mon regard se tourna vers la jeune blonde. Imogen avait beau être en première année, on ne pouvait pas dire qu’elle était timide. Ce n’est pas mon habitude de traîner avec les plus jeunes d’entre nous, mais comme je l’ai dit, on ne sait jamais ce qui peut arriver. J’ai toujours été surprise par sa clairvoyance. Elle était beaucoup plus mature que les autres. Et c’était étrange d’avoir une discussion avec elle. Elle avait vécu beaucoup plus de choses que nous tous, et pourtant, elle était bien plus jeune. Lorsqu’elle me prit par le bras, je compris que je n’avais plus le choix. Ma baguette fit léviter mon assiette et des couverts pendant qu’elle m’entraînait hors de la grande salle.

« J’ai trouvé un endroit super l’autre jour en me baladant, on va être bien…. Heureusement que tu as un pull »
« Ah parce qu’on va manger dehors ? »

J'avais posé la question mi-inquiète, mi amusée. Pas de réponse. De toute façon, elle se dirigeait déjà vers le parc. Et moi, je ne fis que la suivre. Avec Petite Perle. Et mon assiette. Effectivement, l’endroit n’était pas pour me déplaire. Même s’il faisait froid, je pouvais compter sur les doigts de la main les jours où j’avais mangé dehors. Et ça faisait parfois du bien de sortir du château. De là où on était, on ne sentait presque plus l’odeur de l’être de l’eau. L’air était frais. Pur. Et j’en profitais quelques secondes avant de m’asseoir.

Je regardais la vallée. La forêt. Le lac. Je regardais tout ce monde, cette terre qu’on avait souillée avec notre propre sang. La stèle blanche aurait pu faire tâche. Mais elle faisait partie de notre monde. Elle faisait partie de nous. Parfois, je me demandais si Dieu existait. Et s’il existait, pourquoi avait-il permis tout ça ? Pourquoi avait-il laissé mourir des innocents ? Certaines personnes croient au destin. Moi je ne savais plus ce que je devais croire. Tout ce que j’avais, c’était une croix, et des croyances ébranlées. Tout ce que j’avais, c’était une incertitude qui grandissait de jour en jour, et des souvenirs que j’aurais volontiers oublié si j’avais pu. Parce que notre monde avait changé, et qu’il changeait encore. Je n’étais pas sûre de vouloir le suivre.

« C’est vrai que c’est bizarre comme attitude et c’est pas extrêmement génial parce qu’il fait un peu froid… MAIS j’avais envie de changer d’air et de faire un truc pas tout à fait comme d’habitude. Ça ne te dérange pas j’espère ? »

Sa voix me sortit de mes rêveries. Et en la regardant, je l’enviais. Elle n’avait pas vécu tout ça. Et, avec un peu de chance, elle n’aurait jamais à le vivre. Moi, j’étais piégée. Piégée dans un passé que je voulais oublier. Et dans un avenir compromis. C’était comme ça depuis des mois. Et les évènements récents n’avaient rien arrangé à mon angoisse. A mes questions. Parce que la mort semblait avoir pris possession de nos vies. Parce que, tout autour de nous, on nous rappelait sans cesse les erreurs commises. Je voyais la nature mourir. Je voyais les fleurs faner. Je voyais les feuilles tomber. Je voyais tout un monde mourir et s’écrouler sans que je puisse le retenir. Qu’est-ce qu’il se passait ? Silence. Un silence dans lequel tous se muraient. Le ministre avait beau prononcer des discours, ils ne réconfortaient les sorciers que le temps d’un moment. Parce que la nuit, avant de dormir, on y repensait tous, à la guerre. Et on se disait qu’on aurait du faire autrement. On aurait du faire mieux. On a laissé couler le sang des autres et maintenant on devait vivre avec ça. Mark Twain disait que, lorsqu’on avait un doute, il fallait dire la vérité. Pendant longtemps, j’ai cru que le mensonge serait le chemin vers la rédemption. Parce qu’il était bien plus facile de vivre dans une illusion confortable que de regarder la vérité en face. Le problème, pour les gens qui, comme moi, veulent toujours connaître la vérité, c’est qu’on est incapable de vivre dans le mensonge. Et tant que je n’aurais pas mes réponses, il était impossible pour moi d’avancer. Alors je posais la première question.

« Dis, Imogen… Est-ce que tu crois en Dieu ? »

Je croquais dans mon bout de pain, agrippée à ses lèvres. Ca peut paraître stupide d’interroger une gamine de onze ans sur un sujet aussi compliqué, mais parfois, les réponses sont là où on les attend le moins.

Croire en Dieu ? Imogen était à des années lumières de cette question, cependant il était vrai qu’Emme avait posé la une question intéressante. Et digne de leurs discussions philosophiques habituelle. La première année croqua dans un demi-sandwich avant de réfléchir à sa réponse. Ce n’était pas une question qu’elle se posait souvent et elle était trop importante pour seulement s’écouter parler. Elle pesa le pour et le contre et décida que son suspense avait suffisamment duré. « [color:393d= midnightblue]J’admets que tu me poses une colle, mais c’est bien cela qui est bien avec toi. Tu ne poses pas des questions banales sans intérêt, mais du coup il faut réfléchir. » Elle lui sourire et montra toutes ses petites dents bien rangées. Dieu. Merlin. Divinité. C’était large. C’était une question que les premiers hommes se posaient déjà, c’était une question auquel les nombreux siècles qui s’étaient déroulés n’avaient pas toujours trouvé la réponse. « Je dirais que oui et non. Oui dans le sens où, pour moi, Dieu ce n’est pas le bonhomme, le vieux barbu qui donne des ordres aux anges posé sur un nuage dans le ciel. » Imogen sourit et se rectifia elle-même. « Enfin, j’avais toujours eu cette image en tête et c’est un brésilien qui a voulu me montrer l’inverse. » La jeune fille ne put s’empêcher de sourire à souvenir, elle avait passé tellement de bon moment au Brésil ! Enfin, Rio restait une ville hyper dangereuse et elle avait vu sa vie défiler lorsque trois grands messieurs étaient venus pour lui demander ses sous, heureusement que son papa était vite arrivé ! Quel héros son papa ! « Donc en fait Tao avait sept ans et on était tous les deux partis jouer au niveau de la grande statue de Rio, le Christ Blanc si je ne me trompe pas ? » Imogen attendait une approbation d’Emma pour continuer. « Et là il m’a posé la même question que toi. » La poufsouffle ne put s’empêcher de sourire en comparant Emma à Tao, à part la question, ils n’avaient strictement rien en commun. « Et donc je lui ai parlé du vieux barbu et il m’a dit. Je m’en souviens encore ‘tu n’as rien compris, Dieu c’est Jésus, et c’est aussi ton copain’ Je t’assure que sur le coup j’ai explosé de rire, et même maintenant je ne suis pas sûre de bien comprendre. » Elle sourit avec douceur, comment expliquer donc ce qu’elle-même ne comprenait pas ? Certes d’un côté elle y croyait, parce qu’elle trouvait ça fou que autant de gens y croient si c’était quelque chose de faux. Et puis il y avait aussi le regard de Tao, chaque fois qu’il lui parlait de Dieu, ses yeux brillaient comme si c’était la plus belle chose du monde. D’un autre côté, elle ne sentait pas le besoin de se positionner obligatoirement, au pire elle avait encore toute sa vie devant elle pour se poser trop de questions. Alors le sujet ‘Dieu existe ?’ était dans un coin de sa tête pour une autre occasion. Occasion qu’Emma avait remise sur le tapis, certes. « Donc, oui parce que Tao m’a convaincu, et non parce que c’est tout de même super bizarre de se dire qu’il existe, quelque part, un Dieu qui connait ta vie, tes sentiments, sait ce que tu fais et ce que tu vas faire et qui en plus, d’après Tao, t’aime ! Trop fou. » Elle avait fini sa tirade et elle avait presque réussit à se convaincre elle-même.

« A moi donc. » Il fallait qu’elle trouve une question aussi pertinante, pas pour avoir une sorte de vengeance, mais parce que le débat était beaucoup plus intéressant lorsque les questions l’étaient. D’ailleurs elle ne voulait pas renvoyer la balle à Emma en lui demandant à son tour sa position par rappport à Dieu. Bien sûr, la jeune fille avait bien envie de savoir, mais elle avait appris, quelques fois, si les avis divergent, la discussion n’avance pas et pire, elle régresse. « Juste réponds par oui ou par non, très rapidement, toi tuu y crois en Dieu ou pas ? » Elle attendit la réponse et enfin elle posa sa question. C’était plus personnel que théorique, mais comme elle était jeune elle avait encore l’envie de se marier avec un prince et d’avoir plein d’enfants. « Qu’est-ce qui est, selon toi, la base pour qu’un couple marche ? » Imogen avait plusieurs idées en tête, la confiance, l’amitié, la confiance, mais elle avait bien envie d’avoir un avis plus éclairé que le sien. Elle ne pouvait pas avoir ce genre de conversation avec sa maman, qui la jugeait encore trop comme un bébé, ni avec ses copines qui n’avaient absolument pas ces centres d’intérêts là.

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