Il allait bientôt être trois heures de l'après-midi et j'étais seule, à vagabonder tranquillement dans les couloirs. Contrairement à la plupart des élèves de Poudlard qui préféraient passer du temps avec leurs amis - et aux autres serdaigles qui trouvaient plus distrayant de travailler - j'aimais mieux passer mon après-midi de congé seule, à réfléchir, penser à des choses importantes comme à des événements futiles. Travailler était pour moi une très bonne chose dans la vie, mais se reposer l'esprit en était aussi une.

Perdue dans mes pensées, mes pieds m'avaient dirigés à la bibliothèque, ce qui m'arracha un léger sourire : « quelle bonne Serdaigle je suis ». En effet, quand j'entrai, je me rendis compte que les seuls élèves présents ici venaient de ma maison. Ils avaient l'air de gentils petits bonhommes de dessins animés, qui s'aimaient, s'entraidaient, passaient chaque minute à réciter leurs leçons, leur après-midi le nez dans leurs bouquins et la plume prête à l'emploi. Je ne pouvais évidemment rien dire, j'étais comme eux. Toujours à travailler, un peu solitaire.. Un peu solitaire justement : jamais je n'oserais demander de l'aide. Je trouve ça pathétique de la part d'un serdaigle. On est - et d'ailleurs, on né - érudit, on ne le devient pas. Mais ce n'était que mon avis.

Je naviguai entre eux pour atteindre ma bibliothèque préférée, à savoir celle qui regroupait les livres sur la défense contre les forces du mal, quand j'aperçus une dalle ouverte. Joliment ouverte, comme si elle m’appelait. Un moment, j'hésitai : était-ce moi? Devenais-je folle? Un regard autour de moi me fit comprendre que quand bien même ils l'a voyaient, les autres ne paraissaient pas bien emballés par cette dalle qui n'était pas à sa place, à savoir, ancrée dans le sol. Ma curiosité l'ayant emportée, je me levai et remis le livre que j'avais pris quelques secondes avant de voir la dalle. Je me rapprochai ensuite de l'endroit mystérieux et, avant même que j'ai pu sortir ma baguette pour faire de la lumière - il faut dire qu'on n'apercevait même pas l'escalier, je m'arrêtai, me sentant épiée. Avais-je seulement droit d'y aller? L'histoire d'une dalle cachant une salle me disant quelque chose, quelque chose qui me restait au bout de la langue. Un lieu interdit? Sûrement, c'est pourquoi aucun serdaigle, n'a osé s'y aventurer.

Serdaigle! C'est ça! La salle secrète de Rowena Serdaigle, dont parlait le livre sur l'historie de Poudlard, que j'ai lu une dizaine de fois. Comment ais-je pu oublier? Ce sont ces salles qui ont été ré-ouvertes avec l'arrivée des fondateurs. A présent, j'étais plus que décidée à y aller, et je m'approchai de plus en plus, quand j'interceptai un regard. Ah, j'étais sure qu'on m'épiait. C'était Enora, une assez bonne connaissances, agréable comme fille. Je lui lançai un signe de la main et, rassurée que ce ne soit qu'elle, je descendis les marches poussiéreuses et habitées par des insectes tous plus horribles les uns que les autres. « Lumos », murmurais-je, et aussitôt la lumière se fit. Les escaliers étaient imposants, terriblement anciens et menaient vers une pièce, assez grande, dont je ne voyais que le sol. Et plus je descendais, plus je distinguais de meubles : d'abord, des chaises et des fauteuils, disposés près de tables, et enfin, clou de la collection, une immense bibliothèque, bien plus grande que celle sous laquelle j'étais, emplie de livres intactes. J'étais seule, totalement seule, face à la plus grande et mystérieuse réserve de livres que je connaissais. « Calme-toi Isa, calme-toi ». Trop tard, je m'étais déjà jetée sur tous les livres qui me paraissaient intéressants, sans même penser qu'il pouvait y avoir quoi que ce soit de dangereux, d'anormal ou de malsain.

Ces livres avaient l'air tellement intéressants ! J'en trouvais de toutes sortes, sur tous les sujets, des plus inutiles au plus captivants. La pile que j'avais faite et que je tenais dans mes bras devenaient de plus en plus grande, si bien que je dus la poser sur une table. Subjuguée par cette immense découverte, je n'avais pas remarqué le faisceau de lumière émanant des escaliers menant à la salle secrète. Ainsi fus-je étonnée quand j'entendis Enora m'interpeller : « Isadora tu as trouvé la salle secrète de Rowena Serdaigle ! ». Était-elle sérieuse ? J'étais la seule qui avait eu assez de curiosité pour descendre les escaliers cachés par la dalle manquante, qui était quand même bien visible - si l'on regardait au bon endroit il était difficile de louper le trou. Non vraiment, c'était impossible.

- Je suis intimement persuadée que je ne l'ai pas découverte la première; de plus quelqu'un a bien dû l'ouvrir, la dalle n'a pas disparu par magie, lui dis-je.

Ce qui était assez ironique, puisque nous étions dans une école magique. Je détournai mon attention de mon amie pour la reporter sur les livres, toujours à la même place. Il était évident que je ne pourrais pas les ouvrir comme ça. Il devait y avoir de la magie quelque part. Ainsi, au lieu d'ouvrir le livre de magie noire qui m'avait tant excitée quand je l'avais aperçu, je pris un énorme bouquin qui semblait réunir les milles et unes histoires magiques, le genre de contes que me racontaient mes parents. Sur mes gardes et regrettant de mettre autant emportée. Je lançai un regard discret à Enora qui se tenait près de moi, pour me rassurer, puis je lui demandai :

- Tu penses qu'il y a un sort caché quelque part dans cette pièce ?

Bien sûr, tout en parlant je regardais le livre que je tenais fermement entre mes mains. Il me paraissait bien neuf pour n'avoir subi aucun sort magique. Si Rowena elle-même l'avait placé ici, alors quel âge avait-il ? Au minimum un millier d'années, et d'ailleurs sûrement plus. C'était impensable; mes manuels étaient abimés au bout d'un an, imaginez ceux-ci s'ils n'avaient pas été victimes de sorts. Inquiète et en même temps beaucoup trop intriguée, je m'assis sur une chaise adjacente et ouvrit prudemment le livre sur la première page. Le titre était imprimé sous mes yeux, et je le lus. Mais rien ne se passa. Encore un regard vers Enora, puis je pris la deuxième page entre mes doigts et aussitôt, un flot de sensations se répandit dans mon corps, ce qui me fit sursauter. J'avais reconnu la solitude, la tristesse et, quelque chose que j'avais ressenti cette année même, le chagrin d'avoir perdu un être cher.

- Je.. Je suis triste.. C'est le livre.. qui me rend triste, mais.. je ne sais pas.. pourquoi, annonçais-je à Enora, la voix tremblante et les larmes aux yeux, sans comprendre pourquoi.

Je lâchai le livre en voyant la réaction d'Enora. Il ne faisait aucun doute à présent que ce livre avait été victime d'un sortilège. C'était bien la première fois que je voyais un livre capable de transmettre des émotions simplement par le touché. Je lançai des regards à Enora, de coté. Elle semblait penser à quelque chose et mon seul souhait était qu'elle me dise quelle était son idée. Je pris ma baguette et, prudemment, j'ouvris le livre à la page suivante avec l'aide de celle-ci. C'était Le Sorcier Au Cœur Velu, des contes de Beedle le Barde. Enora se rapprocha de moi et, ensemble, nous lûmes la première page du premier conte. Et c'est là, alors que, même sans toucher le livre de mes propres mains, je ressentis des sentiments identiques, que je compris.

- Tu crois que l'on ressent les sentiments du personnage principal ? Demandais-je à Enora.

C'était la première idée qui m'était venue à l'esprit, mais je sentais bien que ce n'était pas la seule explication possible. Et c'est ainsi que, prise au dépourvue par ce livre ensorcelé, je m'entendis dire : « Accio Poignard ». Je connaissais ce conte, je savais bien ce qui allait m'arriver, mais ce n'étais plus moi qui contrôlais mes gestes. Comme si, tout en étant maitresse de mon corps, le destin se mettait en route. Je vis qu' Enora n'avait pas fini de lire alors je la poussa. Le couteau que j'avais moi-même demandé n'étais pas encore arrivé mais il ne tarderais pas. Je me tournai alors vers elle.

- Ferme ce livre, lui ordonnais-je, bien que j'eus du mal car c'était contre la volonté de ce dernier.

Au moment même où elle m’obéissait, le poignard arriva. Heureusement, je n'étais plus sous l'emprise du livre et, une fois dans ma main, je le balançais à l'autre bout de la pièce. Il ne faisait aucun doute que j'avais tout bon : Si Enora n'avait pas fermé ce livre à temps, je lui aurais découpé la poitrine, je lui aurais arraché le cœur, puis j'aurais fait de même pour moi. Comme dans le conte. Mon amie, elle, paraissait tout simplement terrifiée, et je ne su si c'était parce qu’elle avait elle aussi compris et que donc elle savait que j'étais sur le point de la découper contre mon grès, ou si c'était le sentiment qu'elle avait ressentit en étant dans la peau de la fille que le héros du livre allait découper. Dans les deux cas, je comprenais qu'elle soit horrifiée.

- Il ne fait plus aucun doute que cesl ivres sont victimes de sortilèges, concluais-je.