Elle a froid. Elle a mal. Tellement, qu'elle en crèverait. Mais elle ignore, elle réfléchit, elle oublie. Elle oublie tout ce qui la pousse à agir. Elle oublie sa vie, ses envies. Elle met tout de côté, parce qu'elle ne peut pas faire comme si ça n'existait pas. C'est là, au fond de son âme, sa remue ses entrailles douloureusement, ça ne s'en va jamais. Aucun répit. Aucune pause. Rien. Nada. Nothing.

Au fond, elle voudrait juste s'excuser. S'excuser d'avoir peur, s'excuser de pleurer, s'excuser d'être faible. S'excuser de ne pas encore réussir à faire ce deuil. S'excuser pour toutes les fautes qu'elle a commises et pour toutes celles qu'elle commettra encore. Mais on ne peut le comprendre que si on l'a vécu.

Elle voudrait avoir la possibilité de demander pardon, yeux dans les yeux, de vive voix. Elle est toujours désolée, en permanence. Mais ça ne rime plus à rien, à présent. Pour elle, ce n'était pas possible d'avoir autant mal et de faire autant mal, par la même occasion.

Elle est perdue. Noyée dans un univers qui n'est pas le sien. Qui jamais ne sera le sien. Elle est fatiguée, exténuée par ses nuits blanches, par ses coups de tête.

Il disait que ça irait, que ce n'était pas de sa faute. Pourtant, elle était persuadée du contraire. Tout ça, c'était de sa faute. Elle n'aurait jamais dû arriver plutôt ce jour-là. Jamais elle n'aurait dû tout déclencher, tout ça à cause d'une vulgaire crise d'adolescente. Vulgaire. Maintenant, elle en payait les peaux cassées, car c'était elle qui avait perdu sa mère et personne d'autre.

Il disait que le temps efface les fautes, qu'il masque les cicatrices dans les coeurs. Mais c'était faux. Le temps écorche encore plus encore. Au lieu d'oublier, il ne fait que graver. Fort, très fort.

La ceinture de sa robe est trop serrée contre sa peau. Ses pas sont trop rapides, trop saccadés. Quand on la regarde, on voit comme un film, une apparence qui prend le dessus sur un moral écroulé. Mais elle a besoin de cette soirée. Elle a besoin de le voir.

Quand elle le regarde, c'est comme si elle sortait la tête de l'eau, comme si ses yeux donnaient à son univers un tournant décisif. Comme si tous les malheurs du monde étaient oubliés en pensant, parlant ou étant avec lui. Les trous se rebouchent, les cicatrices se referment. Pour s'ouvrirent, de plus belle, quand elle le quitte.

Elle n'a jamais réellement ressenti ça. Elle ne pourrait pas mettre un nom sur le sentiment qu'elle éprouve envers lui. Connor. Elle se sent bien avec lui. Elle se sent importante. Elle se sent femme. Et c'est tout ce qu'elle arrive à avouer. C'est quelqu'un qu'elle apprécie réellement. Elle ne joue pas de jeux. Elle ne masque pas ses émotions.

Elle se sent protégée par son assurance et son courage. Ils sont tellement différents, et c'est ça qui lui plaît. Il lui plaît ? Peut-être un peu, beaucoup même. Mais ce n'est pas possible d'imaginer plus. Elle n'y arrive pas. Se bercer d'illusions ne changera rien à sa situation. Mieux vaut se protéger, pour ne jamais être déçu.

Ce soir, elle a voulu le voir. Pour se changer les idées et pour passer un bon moment. Parce qu'elle en a besoin, mais également parce qu'elle en a envie. Alors, très tôt dans la matinée, au lever du soleil, elle a pris sa plume et, de sa plus belle écriture, écrit quelques mots sur un bout de parchemin. Très bref, toujours. Pourquoi s'étaler dans une lettre ? Ça ne mène à rien. Juste le minimum et ça suffit.

« Que fais-tu ce soir ? J'ai eu envie de me rendre aux trois balais, après le dîner. Voudrais-tu m'y accompagner ? C'est un peu morbide une jeune femme le samedi soir dans un bar... Tu sais, juste au cas ou..
Si oui, je t'attends à l'intérieur. Le froid est retombé en ce moment. À 21 heures. Ne me font pas faux bons.
Mille baisé.
Destiny MG. »

Après avoir reçu une réponse positive, elle s'est posée des questions. Pour la première fois, elle s'est demandé comment elle allait s'habiller, comment elle allait se maquiller. Il s'en foutait de son apparence et elle s'en était toujours fichue. Mais elle voulait être bien ce soir, pour sauver le peu de fierté qui lui restait encore.

Alors elle avait enfilé une robe, celle qu'elle avait héritée de sa mère. Elle s'était regardée dans une glace, rapidement. Le vert de sa robe reflétait son regard émeraude. Elle s'est trouvée si banale. Mais elle a souri, du mieux qu'elle a pu.

À 20 heures 45, elle entre dans la grande battisse et ne regarde personne. Elle a peur de croiser quelqu'un qu'elle connaît, quelqu'un qu'elle redoute. Alors elle s'est trouvé une table à l’abri des regards. Et elle attend. C'est tout ce qui lui reste à faire, de toute façon.

Elle était perdue, entourée de mille et une questions qui lui faisaient perdre la tête, mais ce soir-là, oh oui, ce soir, pour une fois, elle y voyait clair. Elle le voyait clairement entrer dans la vaste salle à moitié pleine. Ses cheveux bruns, pas parfaitement coiffés, son allure. Tout, elle voyait tout.

Elle sentait, également. Les battements de son cœur s'accélérer, ses mains devenir moites et son estomac se trouer d'appréhension. Pourquoi appréhender ? Car il était beau, il était simple, il était tout ce qu'elle pensait ne jamais aimer et pourtant, à présent, elle n'était plus sûre de rien. Certes, il était très séduisant, mais son mental était tout autant attirant. Et elle avait peur. Peur de ne pas lui plaire, peur de passer pour une idiote, peur de ne pas être à sa hauteur et à la hauteur de ses espérances.

La sorcière s'était levé, le cœur battant dans ses oreilles cruellement et elle s'était avancé. Avancée vers lui, un peu plus, encore. À chaque pas, son cœur devenait plus léger et bientôt, ils se retrouvèrent face à face.
En priant Merlin, elle déposa ses lèvres sur sa joue droite, brièvement, afficha un sourire assez convaincant et sautilla à moitié sur place.

« Je suis heureuse de te voir ici. Je m'ennuyais tellement, ces derniers temps. Non pas que les événements de la fin d'année ne m'ont pas assez diverti, mais ce n'est pas comparable. Enfin... Je parle trop... Viens, on va s'asseoir. »

Soufflant, énervée contre elle-même et son foutu comportement déstabilisé quand il était à ses côtés, elle se mit à avancer. À présent, elle avait totalement oublié les soucis qu'elle avait évoqués précédemment. Avec lui, elle oublie toujours tout, de toute manière, sauf la couleur de ses yeux. Elle se sourit à elle-même et prend place sur la chaise qu'elle vient de quitter, juste en face de lui. Lui, lui et encore lui. Ce gryffondor qui la rend si faible, qu'elle se déteste à apprécier. À aimer ? Peut-être. Qui sait ? Personne. Elle n'a jamais été doué pour les relations humaines et maintenant, elle se retrouve là, avec lui. Et elle ne sait pas quoi faire.

Son esprit lui hurle de rester elle-même, mais son corps n'en fait qu'à sa tête. Elle tremble, légèrement, mais elle tremble quand même. La chair de poule à prit place sur ses épaules et elle essaie de masquer son trouble par un sourire. Elle pense à sa mère, si parfaite, si séduisante. Elle aimerait tant être comme elle.

Ou comme Annaleigh, la meilleure amie de Connor d'ailleurs. Ou même Faith. Ils sont très proches tous les trois et parfois, elle doit l'avouer, elle les envie, elle les jalouse. Car elle ne se doute pas de la place qu'elle a dans le cœur du gryffondor. Pour lui, pense-t-elle, ce n'est qu'une connaissance, une amie peut être mais sans plus. Alors qu'elles, elles sont spéciales et elle aimerait avoir cette spécialité.

Mais elle fait avec ce qu'elle a, parce qu'elle n'a pas d'autre choix. Alors elle passe discrètement une main dans ses cheveux, elle se mort légèrement la lèvre inférieure, pose ses mains sur la table et prononce, d'une voix fluette.

« Comment tu vas ? »

Simple, mais il le faut, toujours.

Leurs différences, c'était ce qui l'attirait le plus chez lui. Certes, c'était complexe, mais c'était comme ça. Destiny avait toujours été une de ces filles qui cherchent en permanence la difficulté. Tout ça lui a souvent porté préjudice, d'ailleurs, mais rien n'est comparable au bonheur qu'elle éprouvait lorsqu'elle arrivait enfin à ses fins. C'est malin. Elle est maligne. C'est une vipère, en somme.

Elle a les lèvres gercées et entrouvertes. Elle ne sait pas quoi lui dire d'autre, comment diriger la conversation, vers où.

« Plutôt bien... Et toi, ça va ? »

Elle ne pouvait pas répondre la même chose, parce que ça n'allait pas plutôt bien. Il y avait la mort de sa mère qui, malgré toutes les années passées, resurgissait à chaque moment de solitude. Il y avait son père et sa dépression, qu'elle a tant de fois essayé de contrôler. Puis il y a le ministère et cette guerre. Et il y a lui alors..

« Je vais bien également, même si c'est parfois compliqué en ce moment. Le soir du 31 décembre, c'était... Horrible. Mais bon, je pense que tu t'en doutes. Il y a eu cette fille... Cette fille qui est morte... Je l'ai vu... »

Elle se cache les yeux avec ses mains, parce que cette image s'est infiltrée dans son esprit. Destructrice. Terrible. Traumatisante. Elle se rappelle. De tout. Du bruit du sang, de son odeur. Du mal qu'elle a ressenti. De cette nausée, qui lui a retourné l'estomac. C'était comme autrefois. Comme quand elle avait vu sa mère, inerte, au sol.

« Je suis désolée, je n'aurais pas dû parler de ça. Autant pour toi que pour moi. Je sais que ce n'est pas un sujet que l'on a l'habitude d'aborder lorsque l'on parle à un ami. Ça ressasse des vieux souvenirs qu'il vaut parfois mieux oublier. Enfin... Entre ça et l'attaque du Poudlard Express, les jours passés ont été mouvementées. Ça fait du bien, le retour au calme. Comment s'est passé ta semaine ? »

Elle parle. Beaucoup. Beaucoup trop, mais elle est comme ça. Elle aime parler, elle déteste le silence. Peut-être car ça lui rappelle la solitude ? Et pas celle qu'elle aime. Celle qui détruit l'espoir. Tout espoir.

Elle plonge son regard dans le sien. Elle comprend enfin, c'est bien pour ça qu'elle l'apprécie tant. Il est réellement beau. Ses yeux, c'est ce qu'elle aime le plus chez lui, enfin, entre autres. Comme le disait sa mère, les yeux, c'est le miroir de l'âme. Et c'est de cette manière qu'elle sait qu'il est profondément bon. Elle le sent. Elle a ce pressentiment dans son esprit, celui qui lui affirme qu'elle peut avoir une totale confiance.

Ce sentiment, elle l'aime tellement. Se sentir bien, protégé. Il lui apporte ça. C'est tant pour elle.

Une façade... Ce sourire, qu'il arborait sans cesse, qu'il voyait sur chaque visage, n'était qu'une façade. Rien de plus. Une chose de plus, fausse, dans ce monde où la joie et le bonheur ne semblait exister que dans les romans. Il voulait être comme les autres, rien de plus, rien de moins. Toutefois, il semblait le seul à éprouver ses doutes, ses craintes, qui le torturait continuellement. Il sentait à chaque moment où il laissait son esprit vagabonder, un noeud se former et sa gorge se nouer. La même sensation le prenait lorsqu'il était en face de Destiny. Toutefois, c'était beaucoup plus agréable. Son sourire, illuminait ses nuits alors qu'il savourait chaque instant passé en sa compagnie.

- Je suis désolée, je n'aurais pas dû parler de ça. Autant pour toi que pour moi. Je sais que ce n'est pas un sujet que l'on a l'habitude d'aborder lorsque l'on parle à un ami. Ça ressasse des vieux souvenirs qu'il vaut parfois mieux oublier. Enfin... Entre ça et l'attaque du Poudlard Express, les jours passés ont été mouvementées. Ça fait du bien, le retour au calme. Comment s'est passé ta semaine ?

Mal, c'est ce qu'il aurait voulu avoué. Depuis deux ans, depuis que tout avait été bouleversé, depuis que sa petite vie tranquille avait été bouleversé, il n'allait pas bien. Chaque nuit, il sentait ses mains devenir moites, son corps être pris de spasmes et de tremblements violents. Oui, c'est ainsi qu'il qualifierait son état... Mal... Pitoyable... Pathétique... Il lâcha un soupir, il se sentait tout sauf bien ! Toutefois, ces derniers moments, il avait menti tant de fois sur son état que dire "bien" n'était plus qu'une action anodine...

- Effectivement, il ne vaudrait mieux pas en parler... C'était inhumain... Sinon, rien de spécial, une semaine normale. Et toi, qu'est-ce que tu as fait ?

Il lui sourit, sans même y penser, sans même forcer son geste...

Oui, avant, elle le détestait. Elle le détestait comme un serpentard hait un gryffondor. Comme cette rivalité qui a toujours existé entre ses deux maisons. Elle le détestait surtout car il n'avait pas le droit d'être ami avec l'une des leurs. Elle n'avait pas le droit non plus. C'était totalement absurde, eux deux.

Et elle avait été jalouse, parce que ce n'était pas elle qui avait un ami sur qui compter. Même un gryffondor aurait pu l'aider. Mais non, elle était seule, seule et horriblement seule encore.
Quoique les choses aient évolué, malgré le fait qu'ils soient amis à présent, elle se sent toujours aussi seule. Non pas qu'il ne lui apporte pas du réconfort, car il lui en apporte beaucoup. Mais elle attend tellement plus. Quelque chose que jamais elle n'a eu. Et l'avouer est la pire des choses pour elle.

Destiny McGregor. Serpentard, a un faible pour Connor Hopkins. Gryffondor.
Quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru possible.

« Effectivement, il ne vaudrait mieux pas en parler... C'était inhumain... Sinon, rien de spécial, une semaine normale. Et toi, qu'est-ce que tu as fait ? »

Cette phrase, qui l'arrache à la contemplation de ses yeux. Qui la ramène durement à la réalité. Celle qu'elle a essayait d'esquiver en venant ici avec lui. Qui d'autre aurait pu lui offrir ça ? Personne. Mais ça ne semble pas marcher. Car elle voit, dans son esprit, ce corps sans vie qui flotte dans les airs. Elle secoue la tête et se mord la lèvre inférieure. Sa semaine...

« Eh bien, je me suis soignée. J'avais quelques hématomes, rien de très grave. J'ai envoyé un hibou à mon père, ça doit être dur pour lui également. Puis... »

Puis, la honte. Oui, c'est comme ça qu'on l'appelle lorsque l'on se prend un verre entier de bière au beurre sur le visage. Les cheveux trempés, la robe fichue, elle tourne la tête vers la fautive. Un jeune homme, de l'université, qui vient de quitter Poudlard cette année, saoul. Un gryffondor. Un sang impur. Elle serre sa mâchoire, énervée. Elle tente de se calmer, comme elle le fait souvent. Faire le vide dans son esprit, penser à sa mère, à son sourire... Mais rien ne marche. Car en face d'elle, c'est Connor qui se trouve. Destiny est fière. Et sa fierté, c'est quelque chose qu'on ne doit pas toucher. Elle se relève alors.

« Non mais tu peux pas faire attention ! Idiot. Sang-de-bourbe. »

Une insulte qu'elle n'avait pas dite depuis si longtemps. Elle tourne la tête vers Connor. Elle sait qu'il n'aime pas ça, mais c'est sorti sans qu'elle ne s'en aperçoive.

Sang-de-Bourbe... Résonnant dans ma tête, sur le battement régulier de mon coeur, ce mot, cet expression que je répugnais tant, que je détestais. Plus encore que ceux qui l'utilisaient. D'habitude, je ne daignais même pas jeter un regard aux Serpentards qui affublaient ce quolibet aux autres sorciers. Toutefois, l'entendre dire par Destiny me fit un choc. Mes mains rendues moites et tremblantes par la colère, tressautaient nerveusement... Je sentis ma bouche s'étirer, mes oreilles siffler et mon teint passer du blanc beige au rouge cramoisi... D'une voix tremblante, rauque et cinglante, je m'entendis alors balbutier :

- Ne redis ja... jama... jamais ça...

Mon ton, d'abord entrecoupé de sanglots et de bredouillements se changea radicalement. Gagnant en assurance, et la rage bouillonnant en-dessous de chaque pores de ma peau, je me vis crier, hurler à m’époumoner :

- Ne redis ... Plus jamais ça !

Dorénavant, lorsque je me souviens de cette scène, je comprends, qu'à vrai dire, que sur le moment, je maudissais ma propre naïveté... Pourquoi aurait-elle été différente, si elle n'avait pas été friande de ce genre d'insultes, elle ne serait pas à Serpentard, voilà tout. C'est exactement ce que je me souviens avoir pensé à cet instant. La réaction de Destiny m'étonna alors au plus haut point...

La transformation soudaine de l'expression du visage de Connor lui fit peur, elle n'avait pas l'habitude de le voir d'une telle manière. Hors de lui serait le mot juste, mais elle ne faisait pas exprès, elle était une serpentard et il le savait, elle avait sa dans ses gènes. Dans ses veines qui lui projetaient un sang qu'elle était fière de qualifier comme non impur. Certes, elle était différente des autres serpentards, mais cette insulte, elle avait appris à la répéter tellement de fois que pour elle, à présent, ce n'était rien. C'était totalement le contraire avec Connor, en tout cas. Comme si elle venait de se prendre de nouveau un verre d'eau sur la tronche, elle se rassit sur sa chaise, telle une jeune fille sage. Elle ne fit même pas attention à son apparence et baissa le regard vers ses couverts. Elle avait l'impression de participer à ce genre de remontrance qu'elle avait déjà eue, mais cette fois-ci, ça faisait bien plus mal. Bien plus.

« Je.. Je suis désolé » marmonna-t-elle, les yeux baissés.

Elle ne voulait pas affronter son regard, car il la transpercerait, il la mettrait à nu et ça l'effrayait. Pourtant, lorsque sa voix s'éleva de nouveau dans le bar, elle ne put se résoudre à l'ignorer. Elle leva donc les yeux et ce qu'elle y vu à l'intérieur lui coupa le souffle. De la haine, du mépris, de la colère. Contre elle. Pour elle. Elle sentit alors sa bouche devenir sèche, ses yeux embrumés et elle se leva d'un bon, jetant un billet sur la table pour ensuite fondre en larmes, devant tout le monde. Elle se sentait salle à présent, salle qu'il lui ait parlée comme ça, salle qu'il lui ait lancé ce genre de regard, salle d'avoir perdu sa fierté devant tout le monde, salle d'avoir osé prononcer ces mots devant lui. Elle se décida donc à quitter le bar sans demander son reste. Pleurer devant les autres, c'était quelque chose d’insurmontable chez elle.

Des mots... Des cris, se déversant de ma bouche tel un flot d'acide. Semblable à une volée de flèches, toutes se plantant douloureusement dans le coeur de Destiny. Il ne réfléchissait plus, ne réalisait pas les paroles qu'il échappait. Ce n'était pas lui. Impossible... Tout en Elle le réjouissait, l'émerveillait. Ses yeux se teintaient d'une couleur humide, semblable à celle que portait la rosée du matin, lorsque l'aube se levait sur ma vallée natale. Je vis mon visage prendre un teint rouge. La colère que je ressentais, augmentait de secondes en secondes. A l'instant, je pensais ne plus pouvoir m'arrêter, tel que j'étais dans ma lancée... A chaque réplique cinglante que je m'entendais dire, je sentais un pic s'enfoncer dans mon coeur, mon ventre se resserrer. Il était impossible qu'elle ne m'en veuille pas. Une larme roula sur sa joue alors que je sentis mon entrain diminuer puis finalement ma bouche s'ouvrir et se fermer plusieurs fois avant que je ne me rende compte que plus aucun son n'en sortait...

Désolé... Elle était sincère, désirait réellement mon pardon. Elle n'avait dit seulement trois mots. Simples, banals, sans aucune conséquence. Ou presque... Sous le coup, je m'assis sur mon tabouret. Bancal, peu confortable, grinçant, il n'avait rien de plaisant. Gêné par les regards insistants de dizaine de personnes, je sortis aussi magistralement que celle que j'aimais. Claquant la porte et m'enfonçant dans la neige, je tenta tant bien que mal de rattraper la silhouette lointaine de Destiny qui se dessinait dans la brume. Je m'en voulais, terriblement... Finalement, je la rattrapa, mes cheveux bouclés où l'on pouvait voir la neige clairsemer ma chevelure brune. Saisissant ses deux mains, elle me regarda alors que, la fixant dans les yeux avec une douceur que je ne me connaissais pas, je lui dis :

Destiny... Écoute-moi s'il te plait... Je suis désolé... Je...

Je sentis mon visage se rapprochait du sien, elle ne fit pas de mouvement de recul...

C'est fou comme quelques paroles jetées sans réfléchir peuvent briser un cœur. C'est étrange, cette situation. Un peu ironique, aussi. Elle n'aurait jamais pensé que ces paroles puissent la toucher à ce point, elle qui se pensait hors d'atteinte de tout. Elle avait appris, ces derniers temps, qu'elle n'avait rien de la jeune femme forte qu'elle se disait d'être. Certes, la mort de sa mère lui avait renforcé le caractère, lui avait appris à aimer la vie comme elle vient et à ne pas faire attention aux choses minimes. Mais tout ça semblait bien lointain lorsqu'elle avait entendu, quelques minutes auparavant, les paroles tranchantes de Connor qui lui avait fait l'effet d'une douche froide.

Elle avait bien fait 500 mètres avant qu'il ne la rattrape. La neige lui faisait claquer les dents, elle qui avait une simple petite robe, de plus, trempé. L'eau qui avait dégouliné de ses cheveux semblait avoir gelé et laissait quelques marques blanches sur la tête de la serpentard. Peut-être que tout avait dû finir comme ça, que jamais une histoire aurait fonctionné entre eux deux, ils étaient tellement différents...
Quand il la rattrapa, elle fut surprise tout d'abord, puis un franc sourire menaça de prendre possession de son visage, mais elle le repoussa. Elle n'avait pas envie qu'il puisse lire ses émotions, qu'il puisse se rendre compte du sentiment de soulagement qui la brûlait en cet instant. Elle lui en voulait, il lui avait trop mal parlé.

« Destiny... Écoute-moi s'il te plait... Je suis désolé... Je... »

Une nouvelle fois, elle repousse ce sourire qui menace de prendre place. Elle le regarde, les yeux dans les yeux. Elle le voit, s'approchant de son visage. Elle ne dit rien, ne bouge pas. Elle veut voir ce qu'il va faire, elle veut qu'il lui prouve qu'elle compte pour lui. Elle prit Merlin pour qu'il pose ses lèvres sur les siennes. Maintenant.

J'attendais, le moment, où, d'un geste brusque, Destiny me frapperait... Où sa main rentrerait en contact avec ma joue, brisant mes rêves d'amour, mes pensées où son visage ne cessait de me hanter, ses moments difficiles où seul son sourire réussissait à me motiver, ses instants douloureux où le froid mordant reconnaissait la supériorité de l'amour à celle de la douleur physique. A vrai dire, j'espérais qu'elle le fasse. Que dans sa fureur, sa rage, sa haine, son mépris, elle arrêta mon geste irréfléchi. Avant de réaliser mon comportement, je vis son visage s'approcher, ses yeux, où j'aimais me perdre, me fixer. Elle n'en fit rien...

Maudissant intérieurement mon impulsivité, je regrettais amèrement mon geste. Je guettais la seconde même où je m'écroulerais dans la neige, la marque de sa main contrastant avec la pâleur de mon teint. Le moment, où elle détournerait son regard du mien, où elle me dévisagerait, m'insulterait. Je ne cessais de me résigner à la laisser m'hurler dessus, m'humilier, me blesser. L'instant tant redouté où je sentirais mon coeur, épris de cette sublime création, se brisait dans une déflagration silencieuse. Elle n'en fit rien...

Que ferais-je alors après ? M'enfuirais-je face à son regard, d'habitude si doux, si tendre et maintenant, teinté d'une sourde colère ? Réussirais-je au moins à bouger ? Resterais-je pétrifier ainsi, allongé, laissant le froid et la neige pénétrer mes vêtement, chatouiller mes côtes avant de me mordre férocement ? Sangloterais-je ? Pleurerais-je ? Réagirais-je même ? Tant de question se bousculait dans cette partie de mon être que je n'avais pas eu l'intelligence d'utiliser plus avant...

Nos lèvres s'effleurèrent, se touchèrent, se cherchèrent... Et je dis seulement deux mots, peut-être afin d'expliquer mon geste ? Je n'en savais rien :

- Je t'aime, Destiny.

Ce que je ressentis en cet instant là ? Difficile de le résumer en simple mot. Ce serait un bien triste hommage de le faire, d'ailleurs. Seule la vie peut vous donner ce genre d'expérience. Je me résigna enfin à me séparer d'elle, fermant les yeux afin de mieux endurer les tortures qu'elle me réserverait sans doute...

Quand il s'était approché d'elle, elle l'avait senti. Cette adrénaline folle qui avait parcouru chaque recoin de sa peau, lui arrachant des frissons de temps à autre, lui donnant la chair de poule comme jamais.

La neige avait continué de tomber, mais elle ne la voyait plus. Les lampadaires l'aveuglait toujours, mais elle les avait oubliés. Seul le visage de Connor se rapprochant du sien avait réussi à accaparer toute son attention. Elle ne voyait que lui, n'entendait que sa respiration et les battements désordonnés de son cœur qui lui donnait la gerbe. Elle avait peur et elle était excitée. Tant de sentiment contradictoire à la rendre folle.

Puis il eut ce frôlement des lèvres. Et elle se sentit fondre. Bouillir. Transir. Brûler.

- Je t'aime, Destiny.

C'était quelque chose qu'elle avait toujours rêvé d'entendre dire. Ça faisait partie de ses phrases qui avait manqué à sa vie pendant si longtemps. Elle, Destiny, qui pouvait bien l'aimer ? Elle n'avait plus de mère et un demi-père, comme elle l'aimait l'appeler. Elle n'avait pas beaucoup d'amis et était toujours seule. Qui pouvait bien aimer une fille associable comme elle ? Personne. Et pourtant...

Son cœur s'était mis à battre comme jamais. C'était une sensation qu'elle avait toujours redoutée. Se lier à quelqu'un, lui donner la possibilité de nous faire du mal, de nous détruire. C'était ce qui se passait. Elle l'aimait aussi. Depuis combien de temps, elle n'en était pas sûre. Elle avait appris à le connaître et laisser place à des sentiments que jamais elle ne se saurait sentir d'affronter. L'amour, elle avait toujours trouvé ce sentiment follement niait et complètement déplacé. C'était fou de vouloir le bonheur d'un autre plus que le sien. L'amour ça rendait faible et elle se sentait au-dessus de ça. Elle avait l'impression que jamais elle ne pourrait s'affaiblir d'une manière aussi bête, alors qu'elle avait pris tant de temps pour se relever de la mort de sa mère.

Mais il était entré dans sa vie et lui avait fait vivre de nouvelles choses qu'elle avait tant appréciées. Il n'y avait qu'avec lui qu'elle se sentait à la fois mal alaise et parfaitement bien. Qu'avec lui qu'elle avait les jambes qui tremblaient et le cœur qui tambourinait. C'était fou. Méprisant. Euphorique. Mais c'était comme ça et elle aimait. Elle se sentait vivante.

« Je t'aime. »