Être souriant ? Oui, c’était possible ! Enfin, pour moi ça l’était. Je comprenais parfaitement que certains ne veuillent pas sourire. Je n’étais pas stupide. D’accord, j’avais quatorze ans, on me prenait pour un môme qui ne se doutait qu’à peine de ce qui se passait mais ils se trompaient tous. On peut avoir quatorze et être parfaitement conscient de ce qui se passe. Ça ne me vexait pourtant qu’on me prenne pour un doux rêveur. Si au moins les gens ruminaient moins pour me râler dessus à cause de ma bonne humeur pas assez contagieuse et bien soit, ça m’allait très bien. Je serais leur prisme à eux, une façon de les aider tout à fait détournée.

J’avais passé ma matinée à travailler dur pour rattraper mon retard en cours puisque maman m’avait gardé à la maison. Bon, elle avait tenu à ce que je travaille mais c’était pas pareil tout seul. J’apprenais nettement moins bien alors même si je n’étais pas un bosseur acharné, je faisais de mon mieux. Alors à midi, quand j’étais retourné au dortoir et que j’étais passé par la salle commune, je ne fis pas attention tout de suite au petit mot qui m’était destiné au dessus de la porte de ma chambre. Ce n’est que le soir que j’ai fini par le voir et forcement, comme à ma grande habitude, je me suis enthousiasmé. Sortie hors du dortoir autorisée pour une petite réunion entre blaireaux ! La classe.
J’attrapais donc ma baguette, un pull, j’échangeais mes chaussures contre mes pantoufles. Oui, on ne se balade pas en pantoufles mais si, quand même un peu et puis les miennes étaient biens, on n’aurait pas dit des pantoufles. Je m’étais ensuite dirigé directement au rendez-vous. Pas vraiment sûr d’être au bon endroit, j’avais frappé timidement à la porte. Quelqu’un vint m’ouvrir… Jeremiah. C’était un chouette professeur, je le croisais souvent en cuisine et en plus, il me donnait des conseils en dehors des cours. En plus, ce que j’aimais, c’set qu’il ne me cachait rien de ce qui se passait sauf s’il ne pouvait pas en parler. Peut-être qu’il se disait que quelque soit l’âge, ça ne faisait aucune différence, du danger reste du danger et la menace se fiche pas mal de l’âge sans doute.

« - Bonjour bonjour ! Entrez. Prenez un fauteuil, ou un pouf. On va peut être attendre les autres pour commencer à manger. » J’entrais donc et me dirigeais directement vers un grand pouf bleu gris dans lequel je me laissais tomber avec joie. J’aimais m’enfoncer dans ces trucs mais je me rendis compte que je n’avais pas répondu. « Oh pardon professeur. Bonsoir à vous et merci. » Un peu confus par mon manque de politesse, je me demandais s’il allait m’en tenir rigueur mais au lieu de ça, il enchaîna. « - Alors, comment ça a été aujourd’hui ? » Je m’installais au mieux pour répondre. « J’ai rattrapé une partie de mon retard et j’ai cherché un moyen d’égayer la salle commune des Poufsouffles. Je trouve tout triste et morne alors je cherche à rendre le sourire. J’y arrive parfois ! Alors je ne baisse pas les bras, d’ailleurs, je baisserais pas les bras de toute façon… »