Qu'est ce que je suis venu faire ici ? Pourquoi diable ais je accepté ce pari idiot ? A mon âge, je devrai arrêter de faire n'importe quoi pour l'envie de prouver quelque chose. Mais rien a faire. Lorsque Max, un des clients habituels de la tête de sanglier, m'avait mis au défi d'entrer dans cette vieille bicoque, j'avais foncé tête baissée. C'était une vieille baraque, je ne risquais rien, et puis ... quand on a été un trouillard toute sa vie, on n'admet pas que quelqu'un puisse penser qu'on le soit encore. On veut prouver au monde qu'on a laissé de côté ses peurs enfantines. Et, moi, j'ai toujours été un trouillard. Alors j'étais entré pour lui faire croire que je ne l'étais pas. Van Tassel, tu es un abruti. La maison était vieille, sale, et selon toutes vraisemblances, très grande. Je crois pouvoir dire que je me trouvais dans un salon ... mais la poussière accumulée sur tous les meubles et objets rendaient toute affirmation purement conditionnelle. La seule chose dont je puisse jurer, c’est qu’un portrait d’homme au visage sombre me regardait avec curiosité et méfiance depuis son cadre. Il n’avait pas spécialement l’air d’un bon samaritain, peinture sur toile ou pas. Mais, dans mon optimisme ... ou ma folie, ce qui revient au même, j’ai décidé de lui demander de l’aide.

- Bonjour monsieur ...
- ...
- Oui, hum ... auriez vous l’amabilité de me dire où je me trouve ?
- ...
- Ah ... vous devez être muet. Bon ...
- Non je ne suis pas muet.
- Ah, j’ai cru.
- Je n’avais pas envie de répondre.
- Pourquoi ?
- Parce que personne ne passe jamais devant moi.
- Mais je suis ici maintenant ... pourquoi ne pas en profiter ?
- Parce que si je vous donne la réponse que vous voulez obtenir, vous partirez et je serai encore seul.

Comme j’haussais ostensiblement un sourcil pour souligner ma perplexité, il se mit un peu en colère.

- Vous ne savez pas ce que c’est d’être coincé dans un tableau devant lequel personne ne passe !
- Non, c’est vrai. Mais une ancêtre de mon père avait son portrait chez nous ... elle insultait ma mère, alors mon père l’a mise au grenier.

Il eut l’air surpris. Sa colère était retombée.

- Pourquoi insultait elle votre maman ?
- Parce qu’elle est née moldue. Et elle me faisait peur avec sa grosse verrue sur le nez et sa voix hystérique. Et puis, elle me traitait de batârd.
- Ce n’était pas très courtois de sa part.
- Je ne vous le fait pas dire.
- Peut être qu’elle méritait d’être au grenier.

Je me demandais soudain si lui même avait du sang moldu pour avoir fait une telle remarque a propos de mon odieuse ancêtre, ou s’il me disait simplement ce que j’avais envie d’entendre pour ne pas que je parte. J’avais un peu pitié de lui.

- C’est dur d’être dans une toile ? Je veux dire ... les fantômes peuvent aller un peu partout au moins, pas que dans les tableaux.
- Oui, c’est dur. Etre ici et ne pas y être, c’est une situation étrange parfois. honnêtement mon jeune ami, ne faites jamais faire un portrait magique de vous. C’est beaucoup de soucis au final.
- C’est a dire ?
- Tout est factice, tout est copie. Moi même je ne suis qu’une pâle copie de ce que j’étais de mon vivant. Je ne me souviens même pas vraiment de qui j’étais et ce que je faisais. Il ne reste de mon moi vivant que la caricature de mon caractère. C’est comme si j’avais tout ce que j’étais derrière une porte scellée a jamais. Même ma baguette tenez ...

Il la sortie de sa poche et me la montra.

- J’ai la certitude que c’était celle que j’avais de mon vivant, mon instinct me le dit. Mais je ne sais même plus de quel bois elle est faite ... rosier, aulne, aubépine ... ni de ce qu’elle contient ... poils de loup garou ou de licorne, dard de doxy ...
- Je crois que je vois ce que vous voulez dire. J’ai eu ce sentiment une fois. Au cours d’un match de quidditch, un batteur a envoyé un cognard vers les gradins et je l’ai reçu sur la tête. J’ai eu une amnésie passagère.
- Quidditch ?

Son regard était vide. Je compris qu’il devait avoir vécu il y a très très longtemps, au moins au Moyen âge. A dire vrai, je me rendais maintenant compte que ses habits, ainsi que le décors derrière lui, étaient manifestement très anciens. Avec un sourire et un geste évasif, j’ai répondu.

- Oh, c’est un nouveau sport. Avec des balles spéciales qui vous foncent dessus. Du coup, je suis resté deux heures sans me souvenir de plein de trucs sur ma vie. On m'a donné une potion a la fin. Ca avait un goût infect.
- De mon temps, on y mettait de la bile de tatou et de la crotte d'œil de lémurien.

Il s’interrompit. Son regard d’acrylique se fit confus.

- Je ne sais pas comment je me souviens de ça.
- Peut être étiez vous guérisseur ?
- Peut être ...

Ses yeux reprirent leur aspect perçant, et il se tourna vers moi de nouveau, très sérieux.

- Vous devez sortir d’ici mon jeune ami. C’est un endroit très malsain pour un vivant.
- Malsain ?
- Oui. Vous devez partir. Je crois que c’est par la d’ailleurs.

Il se tourna vers une porte au fond de la pièce. Je ne savais pas si c’était une bonne piste, le tableau n’ayant surement pas d’occasions de sortir beaucoup de sa toile. Mais je n’avais que celle la, et je n’allais pas rester ici indéfiniment. J’ai remercié le drôle de type dans sa peinture, et je me suis avancé prudemment. Je méditais son avertissement. Une maison malsaine. Il devait être resté ici tellement de temps qu’il exagérait tout. Sans doutes était il fou. Tant pis, moi, j’avançais. Lentement, je tournais la poignée, et ouvrit la porte ...

Eh ben voila ... ne jamais faire confiance a un tableau comme le dit souvent mon père. La porte que je venais d'ouvrir avec précaution ne me conduisait a aucune sortie, a aucun hall d'entrée. Non non, j'étais toujours cloitré a l'intérieur d'une pièce de cette sinistre baraque. La pénombre était telle que je dut attendre un moment que mes yeux s'habituent. Ma seule consolation était que, pour le moment, la maison ne semblait pas habitée. Oui, pour beaucoup ça ne serait pas une consolation, mais pour moi oui. Non mais sérieusement les enfants, vous croyez que c’est quel type de personne qui crèche dans un endroit pareil ? Froid, sombre, poussiéreux, sans vie ? Ben oui, pas des personnes très recommandables si vous voulez mon avis. Pas du style a vous offrir une tasse de café dans la véranda avant de vous indiquer le chemin du retour. Au contraire, le style timbré cannibale qui vous attend au détour d’un couloir avec une hache pur vous transformer en roti. Bon, c’était pas le moment de laisser s’enfuir mon imagination débordante vers toute sorte de vision d’horreur. Les monstres ne se trouvent pas sous les lits, les créatures de l’enfer n’existent pas, même dans le monde des sorciers. Il faut arrêter de psychoter Van Tassel.
Après un moment, je distinguait des formes, des contours. La encore, rien d’humain ne pointait le bout de son nez, ou de son museau, ou de son groin ... enfin vous saisissez. Pas âme qui vive. Une longue table en bois massif, flanquée de sièges, composait l’essentiel du mobilier. Ca et ... un tapis ... un tapis vivant qui commença de s’accrocher a mes jambes.

- Nom d’un elfe en kilt ! C’est quoi ce bordel ?

Je n’avais put contenir ces jurons sous l’effet de la surprise. J’ai donné des coups de pieds dans la carpette, sentant la terreur m’étreindre l’espace d’un moment. Et s’il me dévorait tout cru et qu’il ne restait plus de moi que quelques os et ma médaille de baptême, et que personne ne les retrouvait parce que je suis ici, et si mes parents sont malheureux et ... Ow ... le tapis se laissa retomber sur le sol aussi vite qu’il s’était attaqué a moi. Okay ... apparemment c’est pas pour tout de suite qu’il va me bouloter. Nerveux, j’ai bondit hors de son aire, retombant sur un sol plus dur, surement dallé. Oui, bien sûr, un tapis mordeur, c’est absolument normal n’est ce pas. Quelle bicoque de taré. Je fis tout de suite un autre bond, inquiet. Un grincement sinistre s’était fait entendre. De la sueur me coulant dans le dos, j’ai respiré profondément pour reprendre du courage. Si je devais mourir, autant que ça ne soit pas de façon absurde, pris au piège comme un lièvre devant un prédateur ... et de préférence pas maintenant s’il vous plait. Je suis jeune, je me suis jamais marié, je veux des enfants et des petits enfants ... bon, on se calme. Lentement, je me suis retourné vers la pâle lueur qui commençait de se répandre. C’était ... ben ... c’est quoi ce truc ? J’avais jamais vu ça de ma vie, même si ma mère m’en avait parlé. Un frigo il parait. Les moldus y conservent leurs produits au frais. Une maison moldue avec un tableau vivant ? C’était pas logique. mais qui avait bien pu vivre dans un endroit pareil ? J’en savais rien, et entre nous, j’espérais ne pas y rester assez longtemps pour connaître la réponse.
Je m’en suis approché doucement. Bon, c’est pas dangereux comme appareil normalement. Déjà un bon point dans cet univers de malade mental. J’ai finit d’en ouvrir la porte. Au début, la lumière m’aveugla presque complètement. Arf, la lumière artificielle moldue. Quand j’étais jeune, notre maison en Ecosse était celle de ma mère, avec une installation moldue. Et au fur et a mesure, mes parents l’ont transformée en une vraie maison de sorciers. Mais je me souviens encore des ampoules dans les couloirs, et de leur lumière qui donnait mal a la tête. Cette lumière ci était pareille. Après avoir cligné des yeux plusieurs fois, j’ai put voir, enfin. Euurk, c’était dégoutant. Des bestioles sanguinolentes, des faisans a moitié déplumés, un lapin tordu dans une position macabre, et le tout ayant rendu sa substance vitale sur les étagères. C’était ignoble. Et je vous raconte même pas l’odeur. Je pris le parti de respirer par la bouche en continuant une inspection sommaire du contenu de l’appareil. J’essayais de brider mon imagination, qui se mettait a me souffler que l’œil du lapin mort suivait mes mouvements. Non, ce n’étaient que des reflets, bien entendu. D’ailleurs ...

- PUTAINDEFILSDE...

Ca m’avait touché ! Je sais pas quoi mais ça m’avait touché bordel ! M’écartant vivement, j’ai refermé la porte du frigo, replongeant la pièce dans le noir. La lumière dansait encore devant mes yeux comme des petites étoiles. Le bruit de ma respiration profonde associé aux battements de mon cœur faisaient vibrer mes oreilles. J’étais en train de devenir taré, c’est clair. Tout était mort dans ce frigo ... a moins qu’une des bêtes avait encore un peu de vie. En tout cas, ce n’était surement pas un monstre ... non ? J’ai encore attendu de pouvoir distinguer les formes, ce qui prit un peu plus de temps car la lumière avait été très forte, et que j’étais encore perturbé par mon expérience. Mais après un moment, j’ai put voir un escalier qui montait vers quelque part. Etait ce vraiment une bonne idée ? En tout cas c’était la seule issue, a part revenir dans le salon. Donc, bon ... a la guerre comme a la guerre. Avec précaution, je commençait a monter, sans savoir où ça allait me mener ...