Jogging nocturne

Que fais-tu là, coincée entre ces deux racines, le souffle court, le cœur battant à tout rompre à un rythme plus rapide encore que celui d'un lapereau paniqué? La réponse est simple: tu fuis et pas un fantôme, pour une fois! Non non non! Tu fuis un dragon. Ce qu'il fait ici, tu n'en as pas la moindre idée mais, à vrai dire, c'est bien le cadet de tes soucis. Tu ne peux qu'espérer que cette petite niche pleine de boue dans laquelle tu t'es allègrement faufilée suffira à te cacher et à masquer ton odeur, mais rien n'est moins sûr. Après tout, il a senti l'odeur de ton sang quand il t'a griffée de ses petits crocs aussi aiguisés que des lames de rasoir. Un peu plus, et tu laissais ton bras dans sa gueule. Qu'est-ce qu'il t'a pris, aussi, de le trouver mignon! on a pas idée d'être aussi sotte, n'est-ce pas? Quand à ta présence dans la forêt, c'est bien simple, tu n'avais rien à faire là. Tu étais bien sagement dans ta petite chambre d'étudiante entrain de dormir quand tu t'es levée d'un seul coup. Les crises de somnambulisme, cela faisait longtemps que tu n'en avais pas fait, tiens! Tranquillement, vêtue de ton pyjama de velours et chaussée d'une paire de grosses chaussettes, tu as quitté ton petit chez toi pour revenir à Poudlard de cette allure propre aux personnes qui dorment en marchant. Et si quelqu'un t'a vue? Il ne t'a pas arrêtée. Ne dit-on pas après tout qu'il ne faut jamais réveiller un somnambule? Pour le coup, tu aurais bien aimé qu'on t'arrête, avant de te réveiller au milieu de cet endroit interdit, face à face avec ce dragon. Tu ne pouvais pas tomber sur un nid remplis d'œufs de caille non? Il a fallu que tu choisisses le dragon... Parfois, tu te désespères toute seule. Une chose est sûr, si tu parviens à t'en sortir vivante, tu mettras un verrou magique chez toi qui empêchera quiconque de sortir endormi.

Toujours est-il que tu t'es mise à courir pour échapper à ce dragon quand, ayant voulu le caresser pour l'apaiser avant de partir, prononçant des mots idiots du type: "gentil dragon, gentil.... Je m'en vais. C'était une erreur" Le type de réaction idiote qu'on vous apprend dès le premier cours de soins aux créatures magiques à ne pas avoir, avec AUCUNE créature magique sauvage. C'est à cet instant qu'il a voulu te mordre le bras et que tu t'es rendue compte de la réalité de sa présence, à cet instant que tu t'es entièrement réveillée et rendue compte que tu n'étais pas dans un rêve car, entre ton réveil et cet instant, tu avais encore un doute. Tu t'es alors mise à courir à toutes jambes, en chaussettes - détail ô combien important - glissant sur le sol détrempé et boueux à cause de la pluie tombée dans la journée. Si tu t'en sors vivante, tu vas avoir de magnifiques bleus de la taille de noix, et même plein d'éraflures partout. Ton joli pyjama bien chaud ne survivra pas à la nuit à moins d'un sortilège pour le remettre en état. Mais encore pour cela faudrait-il que ton cœur batte à un rythme normal et pas comme s'il était au bord de la rupture à cause de la charge d'adrénaline. Tu t'enjoins mentalement de respirer lorsqu'une brindille craque à quelques mètres de ta cachette. Sentant un cri monter dans ta gorge, tu plaques tes mains sur ta bouche pour l'empêcher de sortir, et en profite pour recouvrir à moitié ton nez pour essayer de faire moins de bruit en respirant, histoire que le dragon ne se rende pas compte que tu es là, paniquée, offerte presque à lui. Va-t-en... Va-t-en... songes-tu, au bord de l'apoplexie. As-tu jamais eu aussi peur de ta vie? Oui et non, dirons-nous, mais tu n'es pas encore au bout de tes peines. "Bouh!" Tu pousses un cri à en réveiller les morts et qui attire forcément l'attention de ton assaillant qui vient droit vers ta cachette. Tu en sors précipitamment, enfin, aussi vite que tu peux étant donnée que tu es pleine de boue et tu te remets à courir, glissant sur le terrain inégal. "Tu fais quoi dans la forêt, Kathou?" Rapidement, tu jettes un regard au fantôme qui vole à côté de toi: Tim, bien entendu. "Je... fuis... un... dragon..." halètes-tu péniblement. Le fantôme blêmit autant que c'est possible pour un mort. "Oh merde! Et en te faisant peur, j'ai attiré son attention, c'est ça?" Tu n'as pas besoin de répondre qu'il a compris sa bêtise, bien plus grosse que lui. "Bon... Euh... Comment faire..." pense-t-il tout haut. "Là! Grimpe dans cet arbre, je vais le retenir!" Malgré ta peur, tu ne peux t'empêcher de sourire à sa remarque. Tu es la seule à le voir, il ne servira à rien contre un dragon. Néanmoins, sa présence te rassure quelque peu: tu n'es plus seule, même si les secours sont bien maigres et inutiles. Tu suis néanmoins son conseil et grimpes dans l'arbre, espérant que le dragon ne t'y suivra pas. Ahem...

Si la créature ne monte pas, elle s'appuie suffisamment de l'arbre pour le faire pencher. Et en plus, tu n'as même pas pu grimper assez haut pour voir où tu étais par rapport à Poudlard ou à Pré-au-Lard car, admettons-le, tu es complètement perdue. Les joies du somnambulisme... L'arbre ployant sous le poids du dragon, tu finis par tomber, t'écorchant un peu plus entre les branchages qui, fort heureusement, ralentissent ta chute et tu recommences à courir. "Vois le bon côté des choses, Kath! Tu auras fait un bon jogging, même si la tenue n'est pas très académique" te sort Tim juste avant que tu ne t'étales de tout en long dans un mouvement complètement dénué de grâce. Vas-tu seulement un jour te sortir de cette galère? Il faut croire que... Oui... Alors que tu te redresses, tu vois un homme surgir devant toi. "Que faites-vous là, jeune fille? C'est un endroit dangereux. Un jeune dragon s'est échappé." Non! Sans blague! Tu ne t'en étais pas rendue compte, dites donc! "Vous devriez rentrer chez vous" Bah tiens! Et attirer la créature droit sur le village? Merci, mais non merci. Tu ne dis rien, mais tu n'en penses pas moins et préfères rester là, devant lui. "Vous êtes muette ou quoi?" "Juste perdue, effrayée, épuisée, frigorifiée, et perdue, et poursuivie par votre foutu dragon" finis-tu par réagir avec virulence. Il faut reconnaître ceci à l'homme: il enlève sa veste pour la poser sur tes épaules. "Restez avec moi, alors. Vous êtes de l'école, ou du village?" "Du village" réponds-tu. "D'accord. Je vous y ramènerai après. S'il est sur votre piste il ne devrait pas tarder à... Ah! Le voilà!" En effet, le voilà qui débouche du couvert des arbres. Plusieurs hommes dont tu n'avais même pas remarqué la présence jettent sur lui des cordages ensorcelés qui le capturent. Ton sauveur se tourne vers toi. "Mes hommes vont le remettre dans sa cage, et moi, je vous ramène jusqu'à l'entrée du village. Cela devrait être bon ensuite, non?" "Ou...Oui..." "Serviable et mignon? Tu as gagné le gros lot, Kathou..." "Ferme-là" "Pardon?" "Non! Non, ce n'était pas à vous que je m'adressais" dis-tu en rougissant violemment. Tout ça va très mal finir si Tim continue à sortir les âneries qu'il est entrain de raconter et de mimer des étreintes et des bisous qui n'ont pas lieu d'être. Il est définitivement homo... songes-tu au sujet de ton fantôme personnel au moment où l'Indiana Jones de la forêt débouche avec toi hors de celle-ci. "Bon retour chez vous, Mademoiselle" dit-il avant de repartir, te laissant son manteau.