Dire que tu trouvais que ton début d'année scolaire était merdique.
Tu n'avais pas encore tout vu.

Tu arrives au labyrinthe en courant, sortant de la Forêt Interdite à toute allure. Tu as immédiatement pensé à Poudlard comme premier lieu de fuite. Tu n'y es pas retournée depuis longtemps, mais rien n'a réellement changé. Cet endroit est encore le tien, à sa façon. Tu n'as que ça, de toute façon : tes repères et ta baguette.
Non. Tu as également Krushsnic.
Ton coeur se débat un peu plus à la pensée de sa personne. C'est à peine si tu l'avais remarqué, quand tu es arrivée à Pré-au-Lard, et c'est lui qui t'a attrapée par un bras, taisant ton cri de surprise en posant sa large main sur ta bouche, pour t'entraîner dans une des ruelles du village sorcier. Tu ne te rappelles qu'à peine de votre discussion, tant l'adrénaline qui circulait dans tes veines anesthésiait ta perception de la réalité. Tu te rappelles seulement que comme il semble être de coutume entre vous à chaque fois que vous vous retrouvez en tête à tête, vous avez fini par vous engueuler. À voix basse, cette fois, pour n'alerter personne. Et encore une fois, par vous entendre. Rendez-vous au labyrinthe, ce soir, à vingt-et-une heures. Ne sois pas en retard.
Tu es à l'heure.

Tu t'appuies contre une des haies de l'entrée, reprenant deux secondes ton souffle. Personne ne t'a vue. Enfin, tu espères. Tu es vêtue de ton uniforme de l'Institut, tu n'as pas eu le temps de passer quelque chose de plus approprié ou plus discret avant de quitter les lieux en pagaille. Ton pantalon de lin beige arboré quelques traces de terre, tu es tombée dans ta traversée périlleuse d'une partie de la Forêt Interdite, et tes longs cheveux sont retenus en un chignon serré duquel quelques mèches dorées s'échappent tout de même. Tu aurais voulu avoir un plan, mais tu n,en as pas. Tu n'as pas de plan, tout simplement, outre celui de fuir et de ne pas te faire attraper. Tu lèves les yeux vers le ciel : la lune est à peine visible entre les lourds nuages qui annoncent un orage dans peu de temps. La pluie a au moins l'avantage de camoufler les traces. Un bruit de feuillage secoué et de pas sur une herbe craquante se fait entendre : tu lèves immédiatement ta baguette, mais la personne qui se dessine dans la lueur de la lune ne t'est pas ennemie. Enfin. C'est Krushnic. Tu ne sais pas comment tu dois le qualifier. Tu abaisses toutefois ta baguette. Ta bouche est sèche, tu ne le salues pas, tu constates simplement sa présence.

T'enfuir avec Krushnic.
Oui, tu ne pensais pas que le début de l'année serait si mouvementé.

Fuir. Tout cela était ridicule. Mischa Krushnic devait fuir, qu'elle absurdité. L'idée ne lui plaisait guère, et pourtant, aucun once de regret transparaissait chez lui. Il n'était tout simplement pas question qu'on l'attrape. L'ancien professeur - car bien entendu il n'avait pas récupéré son poste - avait une certaine dignité à conserver. Si des crapules comme son père étaient toujours en liberté, pourquoi lui n'arriverait pas à rester sauf ? En cavale à travers le monde, il n'avait pas eu bien des endroits où aller. Les terres inconnues ne lui plaisaient pas.
À travers l'obscurité du soir, le soit disant criminiel s'avança vers un endroit bien connu. Au loin, les arbustes composant le labyrinthe de Poudlard s'agitent sous les rafales de vent. Levant les yeux au ciel, l'ainé Krushnic ne peut s'empêcher de penser à son frère. Qu'allait-il faire lors de la pleine lune ? Cette idée rongeait l'homme depuis le début de sa fuite, fuite qui durait depuis bien plus longtemps que celle de la jeune Morozva qui allait être à ses côtés pour un temps indéterminé.

Sa chevelure dorée avait attiré son attention, quelques heures plus tôt, à Pré-au-lard. Encore hueureux pour elle que ça n'aie pas été quelqu'un d'autre. Pourquoi l'avoir approchée, alors qu'il savait qu'être deux ne pouvait que les mettres plus en danger ? Bien qu'il ne se l'avouait pas, il avait besoin de quelqu'un à qui s'accrocher. Son Mikhail ? Imposible. Catilina ? Il était déjà trop tard. Attrapée devant ses yeux, il regrettait de ne pas avoir sus la sauver. Morozva s'était retrouvée simplement au bon - ou mauvais selon le point de vue - endroit au bon - mauvais - moment. Nul besoin d'en dire plus.

Juste à l'entrée du labyrinthe se trouvait une silhouette. Approchant d'avantage, les traits de la jeune Morozva se firent de plus en plus clairs. Vêtue de son uniforme délâbré, sale, elle restait belle et dégageait toujours cette chose que toutes les vélanes dégagent. Une moue dégoutée se forma sur le visage de Mischa, qui lui adressa à peine un regard avant de l'attraper par le bras et de l'entrainer dans le labyrinthe. Une fois avancés, il donna un rapide coup de baguette à l'arrière, créant ainsi un brouillard d'anti-gravité à l'entrée. Ils allaient discuter plus tard, le sorcier sentait qu'on les avait suivit. Il espérait, pour une fois, que son intinct se trompait.

Dans la douceur habituelle qui le caractérise, Krushnic t'attrape par le bras pour t'entraîner à sa suite. Hé. Tu as capable de te diriger toute seule, aux dernières nouvelles, et tu n'as pas besoin de celui qui serait ton enseignant de magie noire pour t'aider. Ton dégages ton bras de sa poigne solide, ton pas s'adaptant au sien plus rapide, et tu jettes un petit regard derrière toi pour observer rapidement le brouillard qui servira à un instant ralentir ceux qui vous suivent.
Tu n'es pas la seule à espérer que tes perceptions sont erronées.
Vous marchez en silence. Tu as envie de lui demander pourquoi il t'a demandé d'être ici ce soir, Tu as aussi envie de lui demander ce qu'il va faire, après. Ce que vous allez faire, après. Mille questions à la pertinence plus ou moins grande s'enchaînent dans ton esprit, mais tes lèvres restent closes. Tu ne sais même pas s'il répondrait à tes questionnements, bavard et ouvert comme il est. De plus, parler pourrait donner votre position à d'éventuelles personnes qui vous auraient vu entrer dans le labyrinthe, sentiment qui ne te quitte pas. Vaut mieux attendre d'être un peu plus loin, encore, avant de parler, ne serait-ce que pour vous concerter sur la suite de ce plan qui, a priori, n'est peut-être pas celui du siècle. Deux fois plus de chances de se faire attraper. Une sorcière beaucoup moins expérimentée comme compagne.

Ça t'apaise étrangement d'être à ses côtés.

Votre avancée est rapide et tu n'entends que le bruit de l'herbe que vous foulez, que le vent qui secoue les haies de chaque côté de vous. Vous êtes isolées, entre les murs naturels. Tu ne sais pas s'il y a réellement quelqu'un derrière vous. Le vent s'arrête soudainement et l'air devient encore plus lourd s'il est possible, chargé de cette humidité qui risque à tout moment de se muer en pluie pure et dure. Tu ouvres quelques boutons de ta chemise pourpre, tu as chaud. Tu regardes une nouvelle fois par-dessus ton épaule, tu ne vois personne, et tu lèves ta baguette pour jeter un sort de Bulle de Silence autour de vous. Une brève lueur d'argent vous entoure, puis s'éteint. Vous allez au moins pouvoir parler si vous en avez l'envie. Quelle drôle d'idée. Tu oses enfin parler quelques tournants plus loin, gardant ta voix basse, comme si tu craignais que ton sort n'ait pas fonctionné :

« Êtes-vous déjà allé à Beauxbâtons ? »

Prochaine destination pour toi, si quelqu'un découvre que vous êtes ici. C'est bête, mais tu espères presque qu'il vienne avec toi. Tes yeux qui cherchent les siens, brièvement.

« Non. »

Ni plus ni moins. Son ton légendaire n'aurait surpris personne, tellement il lui était typique. De ce mot, il insinua qu'il n'allait pas s'y rendre, encore moins en compagnie de Morozva. Encore à tenter de se convaincre qu'il n'avait pas besoin de compagnie, qu'il n'était tombé sur elle que par hasard et qu'il avait décidé de lui donner rendez-vous simplement pour lui remettre le service qu'il lui devait. Elle avait besoin d'aide, après tout, et elle l'avait aidé lorsqu'il en avait besoin. Bien qu'il avait lui-même décidé de se faire accompagner de la jeune vélane, il n'était que plus irritable depuis qu'elle était à ses côtés. Orgueil, quand tu nous tiens. Il devait cependant avouer que la bulle de Silence fut une excellent idée. Non pas qu'il souhaitait discuter, mais que ce sort camouflerait également le bruit de leurs pas.

Ne répondant pas au regard de la jeune sorcière, Mischa jeta un rapide coup d’œil derrière. Difficile de dire s'ils avaient été suivis ou non. Les deux fuyards n'avaient pas le temps de s'arrêter, pas pour l'instant. Ils devaient s'enfoncer encore plus creux dans le labyrinthe avant d'arrêter pour discuter, ou ce qui en suivrait. La chaleur qui englobais les deux sorciers se faisait incommodante. Si lui était bien entrainé et très en forme, rien ne lui garantissait que Morozva tiendrait le coup bien longtemps, si elle allait pouvoir suivre sa cadence. Il allait trouver un solution rendu là. La pluie menaçait toujours de faire rage, tout comme Mischa le désirait. Il s'agissait là du meilleur moyen de dissimuler leurs traces.>

« Ne pose pas de questions et continue, je t'expliquerai plus tard. »

L'homme lui relâcha le bras pour reprendre à sa vitesse, confiant quant au fait qu'elle le suivrait. Revenir sur ses pas serait suicidaire. Pour s'assurer de son non retour, Mischa glissa sa main dans sa poche, pour en retirer une fiole de Parfum du Détraqueur, acheté directement au Dragon Pleureur. Sans même se retourner, il le jeta au sol derrière, et de petites effluves noires s'élevèrent dans l'air, prêt à faire une victime.

Non. Bon. Tu ne t'attendais pas à une réponse bien exhaustive, de toute façon, mais tu préfères encore ça que le silence total. Au moins il ne t'a pas dit de te taire, ou de fermer ta gueule au choix, comme il serait si susceptible de le faire. Tu fixes un point invisible devant toi et tu continues de marcher rapidement, calquant ton pas aux longues enjambées de ton professeur. La chaleur est accablante, dérangeante, et tu as l'impression d'étouffer. Plus étrange encore, tu n'entends rien venant des haies. Pas de chant étrange et imperceptible des feuillages. Comme si elles étaient mortes, si rien ne vivait en elles. Qu'une magie étrange, qui avait une odeur aussi rance que l'air qui vous entoure. Tu déglutis, un peu nerveuse. Tu n'aimes pas quand la nature se ferme à toi.
Et tu ne peux tout de même pas enlever ton chemisier pour te rafraîchir.
Trouvant peut-être ton pas un peu lent, tu dois avouer que tu as été un instant distraite par tes réflexions sur la nature et son silence, Krushnic s'empare à nouveau de ton bras et te force à accélérer encore le pas. Plaît-il ? Ta peau fragile se marque facilement, tu vas probablement arborer les traces de sa poigne solide pendant un temps.

Un petit hochement de tête silencieux à son ordre, tu n'as pas envie de parler de la pluie et du beau temps de toute façon, et tu es soulagée lorsqu'il lâche ton bras. Un peu moins quand il jette une fiole derrière vous et qu'un nuage d'une fumée noire et épaisse cache le chemin. Ah. Bon. Si l'idée de revenir sur tes pas t'était venue, tu l'oublies immédiatement. Tu n'as pas vraiment le choix, disons-le. Rester avec ton professeur est même la meilleure idée que tu puisses voir, dans la situation, de toute manière. Avec ou contre lui, le choix est simple. Tu détaches un autre bouton de ton chemisier et remontes les manches sur tes avant-bras, tu vas mourir de chaleur, et te gardes à la hauteur de Krushnic, assez proche de lui. Plus l'entrée du labyrinthe est loin de vous, mieux vous êtes. Et puis, il a capté ton attention, avec sa phrase. T'expliquer plus tard. T'expliquer quoi ? Ce qu'il compte faire de toi, de lui, de vous deux ? Mystère.

Tu es soulagée lorsqu'un immense craquement se fait entendre au-dessus de vos têtes et que la pluie s'abat avec violence sur vos visages, les fouettant sans douceur. Elle est aussi brûlante que la température et pince ta peau, mais tu préfères amplement cette pluie délivrante que la lourde humidité précédente. En moins de quelques secondes, vous êtes tous deux trempés jusqu'aux os, vos vêtements collant à votre peau. Problème de la pluie, cela dit : impossible d'entendre si quelqu'un vous suit. En espérant que cela ne joue pas contre vous.

La pluie commença à faire rage, surprenante, mais attendue. Mischa voyait ça autant comme un plus que comme un moins. Un plus parce que leurs pas seront dissimulés, et un moins parce qu'ils allaient être ralentis. Le sol, s'imbibant rapidement, trop rapidement, de l'eau, devint boiteux, mou, très mauvais pour la course. Un bref regard vers Morozva, pour voir si elle a encore la force de courir. Bientôt, ils allaient arrêter, et il lui donnerait des explications. Leur pas de course avait considérablement ralenti, et Mischa ne le savait que trop bien. La pluie était bien trop bruyante pour qu'il puisse entendre si on les suivait. S'arrêter aurait été une bonne solution, mais beaucoup trop risquée. Arrivé face à une énième intersection, il força de nouveau la jeune sorcière en la direction choisie. Quelques pas encore, avant de tourner à nouveau. L'intersection se rapproche, la cape du sorcier claque derrière lui, alourdie par les torrents de pluie. Alors que son talon se tournait vers l'est, un sort frappa le pan de sa cape. Sans attendre, il repoussa la jeune vélane hors de portée, pour, d'un coup de baguette, repousser le prochain sort et se tourner vers leurs poursuivants. Mauvais mouvement, un dernier sort fût lancé. Déjà la désagréable surprise ne lui plaisait point, mais en plus, ils étaient plus que prévu. Trois. Deux femmes, un homme. Lui, il le connaissait : il s'agissait d'un ancien Mokop à Durmstrang, un an plus jeune que lui. Du bulgare, Mischa s'attendait à mieux que les deux autres. Aucun temps de réflexion, le sortilège frappa sur le bras de l'Ukrainien, qui senti sans attendre un puissant haut le cœur. Vide-entrailles, c'était assez bien joué, en fait. Du moins, ça l'aurait été s'il avait été plus effectif, et mieux lancé. Vu l'endroit touché, les effets allaient être minimes. Minimes pour ce genre de magie, bien entendu. Un mal de ventre désagréable, un haut le cœur difficile à endurer. Se concentrant sur sa baguette, sur sa prochaine attaque, Mischa ignora la douleur, s'avançant un pas vers ses adversaires. Il tendit la baguette, regarda l'homme droit dans les yeux. Un bruit, pourtant, attira son attention. Rapide regard sur le côté. Morozva. Ennemis, Morozva, ennemis, Morozva. La décision lui fût difficile, trop lente à son goût. Créant un long mur de feu, il se retourna vers Daphné.

« Accroches-toi bien. »

La relevant, il reprit la course, tout en la plaçant sur son dos. Sa force lui permit de l'y placer sans problème, même si elle avait décidé de se débattre, ou non. Puis, à la course, il se transforma en imposant tigre blanc, lui offrant ainsi une cadence bien plus rapide, bien plus efficace.