...

_ Tu veux vraiment y aller ? Il est crade ce bar. En plus j’ai mis mon nouveau jean !

_ Arrête de râler. Ce n’est peut-être pas le plus beau des bars, mais on ne trouvera pas meilleurs alcools dans tout Pré-Au-Lard !

Toujours la même rengaine lorsque l’on sort avec des amis étant sensiblement différents. William étant le plus riche et le plus âgé, était également le plus maniaque de nous trois. Il a toujours pris soin de ses affaires et, malgré ses économies plus que correctes, rechignait à dégrader ses vêtements. A croire qu’il en oubliait même être un sorcier. Malgré tout, c’était grâce à lui que le trio avait pu se rendre dans un tel lieu. En effet, c’est pratique de connaitre le fils du père de l’ami de… Bref, c’était l’un de mes amis. Pas sur l’un en qui je miserai ma vie, certes, mais on a passé de bons moments ensemble. Tout comme avec Johnson d’ailleurs. Moins bien loti niveau finance, mais surement le plus cool des trois, c’est à lui que revient l’idée d’une excursion dans cette ville de sorcier, histoire d’en prendre la température avant la reprise des cours de Poudlard qui aurait lieu dans peu de temps. Vous ne connaissez pas Johnson ? Mais si, rappelez-vous, le grand black à l’allure de boxeur. Inutile de vous dire qu’avec lui, les ennuis n’approchaient pas à moins de vingt mètres.

J’avoue que de mon coté, si j’avais eut à choisir, la Tête de Sanglier n’aurait pas été mon premier choix. Trop de crasse, trop sombre et pas assez de jeunes de notre âge, il me semblait difficile de rester plus d’une heure ou deux dans un tel lieu. J’étais loin d’imaginer que je m’y sentirais aussi bien ! L’ancienneté du bâtiment, son allure rupestre et simple, sa convivialité forcée par l’unique salle composant l’endroit… Même l’odeur était unique en son genre et croyez-moi, après les quelques hydromels gouleyeuses et offertes par William, la poussière et la crasse furent bien vite oubliées. Sauf qu’après un temps ou la soirée n’était même pas encore à son apogée, le second acolyte, Johnson, eut la fâcheuse idée de passer au whisky pur feu. Evidemment, il fallait qu’au moins une personne reste assez sobre, et c’est sur moi que c’est tombé. Deux verres plus loin, après tout ce qu’ils avaient déjà ingurgité en aussi peu de temps, mes deux comparses étaient déjà dans un sale état. Soirée terminée pour eux, qui restèrent dans leur coin à discuter en silence.

_ Une hydromel s’il vous plait. Et essayez de me trouver un verre assez propre, pour une fois. (- 4G ><)

Retour au comptoir. Il n’y avait plus d’intérêt à rester avec des camarades de jeu totalement déboussolés. Avec de la chance, je trouverais surement quelqu’un avec qui parler. Tout du moins je l’espérais. J’en ignorai même le regard noir du propriétaire suite à ma demande de verre propre. Et pour cause, j’avais porté mon attention sur la salle entière en espérant me trouver une distraction amicale. Bizarrement, j’en avais totalement oublié la présence d’une personne à mes cotés, alors que j’aurais visiblement dû commencer par là.

« Deprime + Alcool = Warning »

Vie de rêve. Vie de rêve. Vie de rêve.
La définition de ma vie était vraie. J’avais tout pour être heureuse – ou presque. Je n’étais pas dans le besoin, je vivais dans une famille qui demeurait l’une des plus respectées et j’avais de multiples talents. Et pourtant, je ne suis pas… heureuse.

Y’a sérieusement un truc qui cloche chez moi. J’ai peut être une masse suspecte qui m’oppresse le cerveau et je ne peux réfléchir et agir normalement ? Ouais, il est vraiment temps que je consulte pour en avoir la certitude.

Le Whisky pur malt (-3Gallions xD M’en fous, ch’ui riche !!) me brûla la gorge alors que je m’étouffais à moitié. Qu’est-ce qui me prend de commander cette merde ? Pour le peu que je bois de toute façon… Autant prendre quelque chose qui arrive à me détendre. Je soupirais une fois de plus et me pris la tête dans mes mains.

Ouais, j’ai que 17 ans et je suis en déprime totale. Y’a vraiment un truc qui n’a pas marché dans mon existence. Un machin qui cloche, une chose qui ne colle pas avec le reste. Je sais pas… un truc quoi. Pst, je ne suis même plus capable de réfléchir normalement de toute façon. Bon revenons en arrière, j’avais réussi par un mystérieux hasard à échapper à cette mégère de Monia, cette vieille pie toute fripée qui me pourrie la vie ! Pourquoi est-ce que les parents l’assigne-t-elle à mes côtés ? Ils veulent me donner de l’amour par le biais d’une nana exécrable ? Pouah, on a vu mieux comme preuve d’amour pour son enfant je pense. Et comme une baleine qui s’échoue sur une plage, je me suis retrouvée dans ce pub. Le patron m’avait regardé avec étonnement lorsque je suis rentrée – il a du se demander ce que pouvait bien faire une jeune fille aux vêtements griffés dans un coin aussi sale – parce qu’il faut l’avouer, le bar laisse à désirer.

Mais à quoi bon, me voila en train de siroter de l’alcool pour passer le temps.

« Une hydromel s’il vous plait. Et essayez de me trouver un verre assez propre, pour une fois. »

Je rigolais légèrement en écoutant un client commander juste à côté de moi. Il a raison, je n’ai même pas vérifié l’état de mon verre à moi avant de boire dedans. M’enfin… Le propriétaire ronchonna et avant qu’il ne s’éloigne je l’interpellais.

« Hey, un autre ! »

Ni plus ni moins, le gars n’avait pas l’air sympathique, pas la peine d’être poli avec des énergumènes de ce genre. Et puis, pas l'envie.

En observant avec plus d’insistance que précédemment, on pouvait fortement deviner l’air malsain qui recouvrait les lieux. Tables aussi anciennes et miteuses que le reste, la moitié de leurs surfaces ressemblaient plus à un gruyère qu’à un plan de dégustation, voir de travail. C’était pareil au niveau du bar mais de manière moins prononcés. Au moins là, on avait l’embarras du choix pour se placer, tandis que pour les quelques tables, il fallait bien souvent prendre celles qui restent. Mais cet air désagréable lorsque l’on observait l’intérieur de la Tête de Sanglier, ce n’était pas uniquement par rapport au mobilier. Non, c’était plutôt, et surtout, à cause de sa clientèle complètement intrigante. Quoiqu’un peu effrayante également. Outre les deux loustics qui me servaient d’amis et qui se trouvaient dans un coin de l’unique salle, les autres clients semblaient de la même famille. Manteaux ou vestes sombres, ridés comme on ne peut pas l’être plus, les cheveux sales – tout comme le reste d’ailleurs, la réputation du bar n’était donc pas infondée. Une aubaine toutefois qu’aucun de ces misérables n’aient pas encore tenté de me voler un organe, car vu leurs piteuses allures, ça ne m’étonnerait guère.

La grande surprise de la soirée n’était pas dans mon champ de vision. Accoudé au comptoir, dos au propriétaire qui venait de déposer la pinte d’hydromel entre deux creux et un vieux cendrier, j’avais totalement oublié les autres clients. C’était le moment idéal pour se détacher un peu de la vision glaciale du reste de la salle, saisir sa boisson et lorgner un peu sur les voisins de comptoir. Je n’ai pourtant pas pivoté assez vite pour voir d’où provenait la réclamation d’une voix féminine, bien que celle-ci fût à portée de main. Soit le peu de boisson alcoolisé bu il y a peu s’agitait dans mon cerveau, soit j’avais là un gros problème de perception… qui disparurent dès que le verre demandé par celle-ci atterrit face à cette cliente. Dans un autre endroit, dans une boite de nuit moldu, ça aurait été le bon moment pour offrir la boisson à une demoiselle. Dans le monde des sorciers en revanche, on m’a toujours dit de me méfier des inconnus croisés dans des bars miteux. Un peu comme William lorsqu’il a faillit y laisser sa vie de mortelle dans les bras d’une harpie. Néanmoins, je n’étais pas venu ici, ce soir, pour me saouler à en mourir. Envie de boire, certes, mais aussi de discuter, de m’amuser, de rire.

_ Un whisky pur-malt ? Ca n’est pas un peu fort pour une jeune femme de ton âge ?

De la taquinerie en guise de salutation, c’était bien là la preuve que je tenais directement de mon père. Mais pour en revenir à la brunette située à mes cotés, je venais de prendre grand soin avant de lui adresser la parole. Pour tout avouer, je lui ai lancé de brefs regards avant de me lancer. Mieux valait être prudent, n’oubliez pas où l’on se trouve et à l’heure actuelle. C’était visiblement sans danger avec la demoiselle à mes côtés, celle-ci semblant préférer l’agréable sensation du whisky sur le bout de la langue que de se mettre à mordre tout ce qui se présente aux alentours.

_ C’est amusant tout de même. Tu es visiblement seule, tu n’as pas l’air plus âgé que moi et je ne pense pas me tromper en disant qu’on s’est déjà vu… Je me trompe ? Enfin, je suis plutôt content de voir que tu n’es avec aucun des clients ici présents… Oh, moi c'est Gabriel.

A force de parler à énormément de monde pour au final, pas grand-chose d’intéressant, j’oubliais de me présenter de plus en plus souvent. Et dieu sait qu’il n’y avait rien de tel pour commencer une bonne rencontre par une présentation, même courte comme celle-ci. Ce qui ne m’empêcha pas de lever ma chopine d’hydromel en accordant un grand sourire à Héléanor R. Cunningham.