Elle dort, la belle enfant. La nuit s’étiole et la lumière blanchâtre du soleil commence à poindre. Elle bouge, s’entortille dans ses couettes espérant peut-être que sa paisible nuit dure encore un peu… Qui sait. Oh, évidemment, il n’en sera rien. Le coq n’a plus que quelques minutes de repos avant de devoir accomplir son funeste travail marquant la mort de la nuit. Quelques minutes, oui, une heure tout au plus. Mais il en faudra moins à Lily pour qu’elle se réveille et que sa journée débute. Un sursaut la traverse, voila, je vous avais prévenu ! Un rire sinistre se fait entendre et lui fait pincer les yeux. Une main experte vient débarbouiller ses yeux des dernières goûtes de sommeil, des derniers grains de sable. Alors, seulement après ses yeux s’ouvrent. De beaux yeux bleu foncé, presque noirs. Elle jette un regard aux draperies qui entourent son lit. Voila, le jaune passés des tentures n’a pas bougés. Un frisson. Elle s’enroule dans sa couette boudeuse. Quelque chose d’anormal se trame, et à vrai dire, elle ne sait pas quoi.


Sa jambe la gratte. C’est souvent son premier réflexe le matin, s’éveiller, et voir que finalement non, sa jambe ‘a pas muté. Elle passe une main presque ravi sur sa jambe arrière, elle tend le bras, encore, mais non… C’est étrange, on dirait qu’elle n’a plus de jambes. Par contre, quelque chose de chaud et de poilu répond au contact de sa main. En sursaut elle rejette la couverture, bondit au sol avec un hennissement bruyant et finit sur ses quatre sabots, totalement nues. Ses longs cheveux noirs peines à cacher sa petite poitrine naissante. Un cri d’horreur naît entre ses lèvres. Personne d’autres ne semble présent dans le dortoir car il semble évident qu’avec le boucan produit toute personne présente dans cet endroit aurait immédiatement été réveillée ! Dans son sursaut, ses jambes se cambrent, elle ne comprend pas, elle n’a jamais appris à marcher sur des…sabots. Deux jambes, ça oui, elle connait, mais quatre pattes… ? Elle s’étale au sol, son menton vient frapper le lourd parterre de son lit ce qui finit de l’assommer.


Combien de temps s’est-il passé avant son réveil ? Aucune idée… Un goût de sang se propage dans sa bouche. Elle n’arrive plus à voir le soleil mais sa lumière blanche est de plus en plus forte. Jour ou soir ? Matin ou midi ? Il faut qu’elle se rende à l’infirmerie ! Si ce n’est pour sa soudaine métamorphose, au moins pour le sang qui lui enserre la gorge. Au passage, à la sortie, elle empruntera une robe, un sweat, une cape, quoi que ce soit cachant cette nudité plus que gênante.


Elle s’avance toujours en rampant. Le passage des escaliers fut le plus délicat mais elle s’en est finalement sortie. Et l’enfant avance toujours. Le salon n’a pas changé. Seul le vide, le froid et l’ambiance lugubre lui fait penser qu’elle ne se trouve peut-être plus dans l’ancienne salle chaud, réconfortante et bruyante, des membres de sa maison. Une ombre passe dans son dos, elle sent son souffle froid. Elle glapit de terreur, s’avance vers le canapé le plus prêt. Un gros canapé de velours moelleux, mais quand elle le touche, celui-ci n’est que froidure et dureté. Le toucher la blesse presque. Il semble glacé, aussi tranchant qu’une lame. Elle retire sa main avec empressement. L’endroit est désert et visiblement laissé à l’abandon depuis de longues années. La poussière volette autour d’elle sans qu’elle comprenne. Pourquoi ? La question ne cesse de revenir. Qui ? Où ? Quoi ? Comment ? Et surtout… Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi ici ? Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi suis-je une bête ? Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi n’y a-t-il plus personne autour de moi ? Pourquoi ? Où sont ses gens qui m’aimaient tant ? Où sont ses rires ? Où est cette chaleur, ce lien, cette joie ? Pourquoi ce froid tout d’un coup ? Pourquoi cette peine ?


La cheminée n’est plus qu’une ruine. Alors non, rien ne brûle plus ici. Elle-même, d’ailleurs, commence à ne plus avoir l’envie de rire, de jouer… Seul l’envie de pleurer face à ce carnage, à cette désolation l’envahit. Tristesse. Ce lieu sans vie lui donne la chair de poule. Il est froid, mesquin, secret… Et elle ne comprend pas. Elle ne comprend rien… Elle était une jeune fille, elle se retrouve animal. Elle était une élève accomplie, elle se découvre perdue. Les changements sont durs à suivre.

Et les autres ?


Egoïstement, elle n’avait pensé qu’à elle, mais les autres, ceux avec qui elle a évolué au cours de ses dernières années, de ces longs mois ? Ou sont ils ceux-là ? Depuis son départ, elle n’a plus vu personne. C’est peut-être là, toute la clé du mystère… Ou sont-ils ? Ben. Seth. Hayleen. Elias. Jane… ?

« Il y a quelqu’un ? »

Sa voix résonne. Comme si quelqu’un allait réellement lui répondre, pauvre idiote. Non, il n’y aura personne pour te prendre la main cette fois, personne pour te montrer le chemin, personne pour te sauver. Tu es seule !


Oui, voila, tu en as eut l’idée toute seule. Intelligente petite fille. Ce que tu ne comprends pas ne peut-être qu’une déclinaison de ta mort, c’est évident. Une réincarnation j’entends ? Mais le crois-tu vraiment ? Personnellement, je suis persuadée du contraire. Tu n’es pas morte. Tu vis, au contraire. Et c’est bien pour cela que ça fait aussi mal. Tu souffres de vivre. C’est ça, ma puce, la vie. Après l’amour, les étreintes passionnées et les bisous chamallows, il y a tout un monde de blanc, de noirs et de gris, surtout de gris. Et dans ce monde ci, on ne fait pas que sourire, on souffre, aussi.


Eh bien, tu vois, ce que je disais est vrai…Seule et abandonnée, ton cauchemar commence ici ! Il va falloir abandonner ton ancienne conception du monde et de la normalité. Il va falloir commencer à voir plus loin que le bout de ton nez, et comprendre que ton bonheur ne sera pas éternel. Où peut-être le serra t-il, après tout… Mais dans les cas, ma puce, il va falloir faire quelques efforts et pointer le nez dehors… Ce n’est certainement pas dans cette salle vide et froide que tu trouveras les réponses à tes questions… ! Et puis même, ça ne sert à rien de rester ainsi à se traîner dans la poussière. Il faut que tu apprennes à te servir de ton nouveau corps. Tes jambes ne sont pas là pour rien… Alors elle tente, difficilement, c’est vrai, mais elle tente tout de même, finit par se relever et vacille sur ses pattes. Il lui faudra plusieurs heures pour franchir le pas de la porte de sa salle commune pourtant à cinquante mètres à peine. Dehors, l’ambiance est plus affreuse encore. Le couloir est partiellement éventré et découvre une salle de classe vide elle-même ouverte sur le néant. Qu’est-ce qui a bien pu arriver ? C’est l’apocalypse ici ! Elle n’ose même pas s’adosser au mur qu’elle vient de franchir de peur que le château finisse de s’écrouler sous ses pas. La végétation semble avoir pris possession des lieux, si bien qu’un ensemble vert et touffu règne en maître sur les liens. Le lieu n’a cependant rien de paisible. Des mouvements, des bruits apparemment dangereux ne cesse de le traverser. Un nouveau frisson traverse son petit corps endoloris par ses derniers mouvements. Comment trouver l’infirmerie, et les autres, dans cette luxuriante végétation ? Car, il est impossible qu’elle soit seule, c’est évident ! Oui, il faut qu’elle garde cette idée en tête, cette impression, cette envie de ne pas être la seule. Parce qu’alors, si jamais cet espoir se tarit alors… alors… Non. Elle n’est pas seule ! Elle N’EST PAS seule !

Une ombre passe derrière elle, lui arrachant un frisson terrifié. Voila, elle n’est pas seule, maintenant c’est sur ! Ceci dit, finalement, à bien y regarder… Elle regrette peut-être sa solitude.


Le monde dans lequel tu vis ne fait que commencer ma belle. La verdure luxuriante s’avance et recule au rythme du vent. L’ombre semble passée. Mais, pour autant, Lily ne sait pas quoi faire. Docilement, elle s’avance.

« Psst »

Hein ? Quoi ?

« Psst »

Cette fois-ci, c’est plus audible. Et elle est sure qu’il y a quelqu’un. Elle se retourne. Et PAF. Là ou rien ne se tenait, elle sent soudainement un choc. Quelqu’un est là ? Ou est-qu’il ne s’agit que d’une nouveauté du lieu ou elle a atterrit ? Elle sent une main se poser sur sa hanche, une autre se poser sur son épaule et alors, seulement alors, elle remarque qu’elle n’est pas seule et que quelqu’un d’autres se tient aussi à coté d’elle. Et elle le reconnaît.

« BEN ! Putain, tu… t’es... » là, pas mort. Mais les mots ne veulent pas sortir. « Ah tu m’as fait peur ! » Elle s’approche et lui saute dans les bras. « J’te jure, j’ai cru que… que… Et d’ailleurs, qu’est-ce qui s’est passé ici ? Je me suis couchée, tout était normal, et maintenant, regardes, j’ai des pattes ! » Mais il n’a que faire de son blabla, et la rejette violemment au sol. « Aie ! Mais, euh ! Pourquoi tu fais ça ? » Il s’approche, et Lily lui tend la main, espérant qu’il la soulève car elle n’est pas sure d’avoir la force de se soulever sur ses quatre jambes, une nouvelle fois… Mais, au lieu de ça, le garçon ne vient pas l’aider. Il la soulevé bien effectivement, mais le but n’est pas d’aider la demoiselle. Il attrapa sauvagement sa cape jaune et noire et s’enfuit avec. Lors de sa fuite Lily remarqua qu’il n’avait toujours que deux jambes (le veinard) et qu’il était accessoirement totalement nu, et, accessoirement qu’une douche ne lui ferait pas de mal. Ceci dit, elle sentit tout le poids de sa propre nudité et fut prise d’un excès de haine. Elle courut à la suite du garçon sure de gagner cette course car ses quatre pattes (qu’elle ne savait pas manier quelques secondes plus tôt, rappelons le !) étaient assurément les plus fortes.


Alors, elle sauta dans les fougères et rageuse, parti à la recherche de ce crétin de voleur de fringues, et accessoirement, de son amoureux. Mais, lorsque enfin elle arriva prés de lui, elle remarqua qu’il était accompagné de deux épigées, l’une rousse l’autre blonde à qui il cherchait à offrir son propre vêtement. L’envie de le tuer sur place en lui arrachant la colonne vertébrale n’en fut que plus grande. D’ailleurs, une brume mousseuse s’accrochait dorénavant à ses lèvres et son visage était parcouru par un vilain rictus de haine. Sauvage, Animale, la belle n’avait plus rien d’une enfant.
Elle se cambra de toute sa hauteur devant celui pour qui son cœur battait.

« Tranquille ! »


« Je te déteste, Ben, Heafy ! »

Mais, alors qu’elle allait bientôt redescendre et écraser celui qu’elle aimait, la scène se troubla.

« Eli ? Eli ? »

Elle se sentit bientôt toute secouée. Perdue, oui. Pendant ce temps, Ben avait fuit, et la jeune fille n’était plus vraiment sure qu’il s’agisse réellement du garçon… Ben n’avait en effet jamais été brun…


Au final, elle tenta de faire demi tour, mais elle ne reconnaissait plus Poudlard. Toute cette végétation l’avait rendue comme aveugle en ce lieu si parcourut ? Elle n’arrivait pas à savoir ou elle était. Mais, elle sentait qu’il fallait retourner d’où elle venait, et ne pas tenter de s’enfoncer encore plus dans cette broussaille. La nuit, le froid menaçait maintenant, elle avait faim et soif qui plus est et elle regrettait de s’être levée ce matin… Personne n’était là pour elle, elle ne savait pas quoi faire. L’envie de pleurer pointa mais elle l’évacua d’un coup de menton. Elle était grande, elle n’avait pas à pleurer, elle n’était plus une enfant !


Un éclair zébra le ciel un court instant, elle crut voir les traits d’un visage familier un bref instant, mais il n’en fut rien. Elle se sentit une nouvelle fois secouée, le sol se dérobait sous ses pieds et le paysage lui-même semblait se détruire petit à petit tombant en poussière. Elle se arqua un instant, se figeant, puis elle sentit l’avalanche brune de poussières et de pierre émanant du château qu’elle venait de quitter. Tout s’écroulait ! Et elle ne voulait pas finir écraser ! Non, vraiment pas. Elle courut.


Court. Traverse les champs. Cours encore. Plus vite, avant que les pierres net e rattraps. Ne laisses pas la poussière t’asphyxier ! Surtout ne t’arrêtes pas.


Traces ta route sans t’arrêter, et continues de trotter. Même avec des jambes de centaure, ta vie mérite d’être menée. Cours encore, plus vite, parce que le danger se rapproche. Continues d’accélérer.


Surtout ne t’arrêtes pas, tu es bientôt arriver. Déjà je vois la quatrième tour sombrer. Avances encore, plus vite, plus vite. Cours. Cours. Vers le lac oui, tant pis.


Ferme les yeux, le contact risqué de ne pas être agréable.

SPLATCH.



Elle ouvre les yeux. La tenture jaune est de retour. Il fait bon, presque bon. Des rires, des cris de filles… Son visage est mouillé.


« Ouh la marmotte ! Ça fait 2h qu’on tente de réveiller au moins ! Tu criais super fort… Insupportable ! Même quand tu dors faut croire… Enfin, bon. Botanique dans 10minutes et sans petit déj, grouilles toi : on est avec les Serpentards et ils vont pas nous louper si on arrive en retard ! »

Hein ? Quoi ? Pardon ? Qu’est-ce qu’elle fait ici d’abord ? Et c’est quoi cette histoire de botanique là ? Il y a cinq minutes dans le lac et là soudainement elle… Oh ! Ses jambes ! Elle saute de son lit et remarque avec entrain que ses gambettes blanchâtre d’anglaise son revenues. Miracle ! Alors tout cela n’était qu’un… Qu’un cauchemar ?



Quoi qu’en fait, si Juliet dit vrai… Le pire est peut-être encore à venir, et le vrai cauchemar risque bien d’avoir une drôle de couleur verte. Sitôt habillée elle fille vers les serres, une drôle d’impression en tête. Finalement, la vie de centaure ça avait peut-être du bon…