Tout avait commencé lors du dîner. Tous réunis dans la Grande Salle, tout le monde festoyait, mangeait, parlait, bref, tout le monde appréciait ce moment de la journée. Alexis, quant à elle, ne voyait les repas que comme une formalité, bien que quelques années plus tôt, elle les voyait comme une épreuve chaque jour un peu plus douloureuse. Mais elle avait appris à apprécier la nourriture. Malheureusement, cela ne s’était pas conclu par une réussite, puisqu’elle avait beau aimer ce qu’elle ingurgitait, elle avait soudain eu cette peur prenante que les aliments, qu’importe la catégorie à laquelle ils appartenait ou même leur provenance, leur nombre de calories, elle s’était mise en tête qu’ils la feraient grossir, et ça, c’était sa hantise la plus grande. Elle était pourtant fine comme tout, avait une taille de guêpe, une musculature légère bien que saillante, mais rien n’y faisait. Elle se trouvait énorme, et ne pouvait se convaincre de garder ce qu’elle mangeait : c’était physiquement impossible, elle se sentait mal. Certes, elle avait eu quelques effets secondaires, mais ils ne l’arrêtaient pas. Les évanouissements, les pertes d’odorat, la diminution du goût, son palissement, sa langue qui virait légèrement au jaune, les acides qui remontaient dans son estomac, rien ne l’effrayait. Elle était convaincue qu’elle avait adopté la bonne solution pour rester mince, ou maigrir encore un peu plus. C’est lorsqu’une élève de Serdaigle l’avait dénoncé qu’elle avait réalisé. Elle s’était faite attraper en pleine action, et avait été envoyée à l’infirmerie. Là-bas, on lui avait expliqué ce dont elle souffrait : la boulimie. On lui avait conté comment s’en sortir, comment se faire aider, et d’ailleurs, une décision avait été prise : elle serait surveillée pendant et après ses repas par quelqu’un dont on ne lui avait pas dévoilé le nom. Mais chaque anorexique, tout comme chaque boulimique, trouve un moyen pour échapper aux espions, et aux solutions qu’on lui propose tant qu’elle veut continuer à s’affamer ou à se faire vomir.

Bref ce jour-là, elle était assise entre Emma Gray et une de ses amies, et elle mangeait à sa faim, comme d’habitude. A la fin du dîner, elle avait fait en sorte de prendre la direction de sa salle commune, prévenant certaines de ses amies qu’elle partait étudier. C’est lorsqu’elle eut regardé autour d’elle, se rendant compte que personne ne la suivait, qu’elle prit plutôt la direction des toilettes des filles. D’un pas pressé, elle y entra et s’enferma dans une cabine, vérifiant que personne d’autre n’en occupait une. Elle se mit à genoux devant la cuvette, et s’y accouda un instant, puis, par habitude, Alexis joint son index et son majeur, et les enfonça au plus profond de sa gorge, titillant sa luette de manière désagréable. C’est alors qu’elle sentit le premier remous dans son estomac, et insistant un peu plus avec ses doigts, les retirant rapidement lorsqu’elle sentit tout remonter dans sa bouche, laissant son repas se perdre dans les WC. Après avoir tout rendu, elle se leva, tira la chasse et se dirigea vers les lavabos où elle se nettoya la bouche, ainsi que trois fois d’affilée les mains de manière compulsive, avant de quitter l’endroit de ses déboires, prenant la direction des dortoirs où elle avait décidé d’étudier, comme dit à ses camarades, histoire de ne pas éveiller de soupçons chez qui que ce soit.

C’est dans la soirée, aux alentours de 23 heures, qu’Emma, une fille de Serdaigle, de son année qui plus est, était venue vers elle et s’était assise sur le bord de son lit. Elle semblait préoccupée, peut-être avait-elle quelque chose à lui dire, ou bien venait-elle simplement lui parler ? Elle l’ignorait, mais la jolie blonde observait déjà sa camarade, vêtue de son pyjama, avant de lui adresser la parole :

« Emma ! Bonsoir. Est-ce que tout va bien ? Tu sembles… bien sérieuse. »

Alexis aimait bien cette fille, elles avaient souvent été en binôme durant les cours, et avaient créé un lien plutôt sympa, alors elle s’inquiétait de la voir un peu bizarre comme ça.