Elle l’avait appris comme tout le monde. La mort de la créature. De cette créature. Elle n’en revenait pas. Elle ne voulait pas le croire. Le monde magique était au plus mal. Elle avait entendu parler des inondations à Londres. Les créatures légendaires c’étaient réveillées, et cela ne présageait rien de bon. Lorsqu’elle fermait les yeux, elle revoyait encore les yeux rubis de la licorne. Sa jambe lui faisait mal. L’une des nombreuses séquelles qu’elle avait gardées des Jeux Olympiques.

• Cher Journal,
  
  Tout va de plus en plus mal. Je ne sais pas ce qu’il se trame, mais quelque chose de terrible va arriver, je le sens, je le sais. La mort de l’hippogriffe me touche profondément. Je dois chercher des réponses à mes questions. Il faut que j’aille voir de mes propres yeux ce qu’il se passe. Je ne peux pas rester sans rien faire. Le monde magique s’effondre petit à petit devant mes yeux, il faut que je réagisse. Peut-être trouverai-je une solution ? Ou bien la raison de cette dégradation… Je te le dis Journal, tout ça ne fait que commencer. J’ais ce sentiment depuis le début de l’année, et ça se confirme de jour en jour.

Elle referma son journal. Oui, c’était décidé, elle se rendait à la Stèle Blanche. Elle devait voir la scène de ses propres yeux. La nuit commençais à tombée lorsqu’elle sortit du château. Le chemin jusqu’à la stèle lui sembla interminable. Elle n’arrêtait pas de ressasser toutes ces questions. La Stèle Blanche se dressait devant elle. Elle pouvait encore apercevoir quelque débris de l’animal. Les larmes lui montèrent aux yeux. Comment quelqu’un pouvait faire quelque chose d’aussi atroce ? Elle s’agenouilla, laissant couler ses larmes, et à traves elles, sa peine…

« On va trouver le responsable. Okay, princesse ? »

Une main. Une éteinte. Quelqu’un qui la réconfortait. Cela ne lui arrivait pas souvent. Elle profita de ce court instant. Elle se sentait en sécurité. Elle ne savait pas qui la tenait dans ses bras, qui l’épaulaient. Mais pour le moment, elle n’en avait pas besoin. Non, son identité l’importait peu, tout ce qu’elle voulait, c’était une présence, quelqu’un sur qui se reposer. Elle croisa le regard de Ludwig. Son monde s’écroulait tout doucement autour d’elle, mais lui était toujours là. Un véritable ami, comme elle en avait peu. L’un de ses seuls même. Elle voulait le remercier, mais une boule bloquait sa gorge. Les mots ne voulaient pas sortir. Ses larmes continuaient de couler alors que le Gryffondor passait sa main sur sa joue. Si attentionné, elle n’était pas habituée. « Merci… » Elle devait se ressaisir, elle n’avait pas le choix si elle voulait trouver des réponses à ses questions. Ludwig allait surement l’aider dans cette quête, sinon pourquoi serait-il venu près de la stèle ? A deux, ils seraient plus forts, et iraient beaucoup plus vite.

Une voix méchante, perfide, qu’elle reconnaitrait entre mille. La voix de sa tortionnaire, de celle qui lui mettait la misère tous les jours. Elle ne voulait même pas se retourner pour lui faire, elle n’en avait pas la force. Elle préférait rester accroupie dans l’herbe, à regarder les restes de la créature. Elle la sentit s’asseoir à ses côtés. Elle avait peut-être un cœur finalement. Le vent ébouriffait leurs cheveux, asséchait leur peau. Ils avaient besoins de ce petit moment silencieux pour se recueillir, décider de la suite. Mais un brouhaha la sortit de sa léthargie. Des gens. Oui, des gens approchaient à grands pas. Elle ne s’en préoccupa absolument pas. Mais ils n’étaient pas de leurs avis. Ils les menacèrent. Elle n’était pas en état de leur répondre. Non. Elle entendit vaguement la voix de Dehli. Mais elle ne distingua pas ses mots. Elle était toujours cramponnée à Ludwig, son ancre en ce terrible moment. Elle ne voulait pas le lâcher. Elle avait peur. Peur de se retrouver seul dans cette situation, dans cette histoire. Le brouhaha se faisait de plus en plus intense. Elle en avait marre, elle n’en pouvait plus. « On reviendra ce soir, quand il n’y aura personne… » Glissa-t-elle à l’oreille de ses deux acolytes de fortunes.

∞∞

La pluie s’abattait violemment sur les nombreuses fenêtres du château. Les couloirs étaient plus sombres et froids que d’habitude. Tout allait mal, même la météo. Elle se tenait dans la Grande Salle, attendant minuit, et l’arrivée de ses compagnons. Ils allaient y retourner, ils devaient y retourner, même par ce temps. Elle ne pouvait plus attendre. Ils passèrent la porte. Ils devaient décider par où passer, quoi faire. Pour la première fois de sa vie, elle prit les devants, sans se préoccuper réellement de ce qu’allait penser les autres. « On devrait passer par la sortie de la cour secondaire, elle sera toujours moins surveillée que l’entrée principale. » Elle n’attendit pas vraiment leurs réponses, ou n’y fit plutôt pas attention, et pris la direction de cette cour. Elle était comme attirée. Elle ne savait pas ce qui allait se passer, mais elle devait se rendre vers l’inconnu. C’était la seule façon de découvrir la vérité…

Il serra les poings sous les premiers assauts de Delhi, mais ne desserra pas les mâchoires. Daisy accrochée à lui, il attendit que l’orage passe, qu’elle termine par se rendre compte qu’au-delà de ce qu’elle voyait en surface se dissimulait les plumes d’un autre monde que le sien. Ludwig la connaissait ; malgré son venin, malgré ses crocs qu’elle plantait dans sa chair quand elle en avait l’occasion, elle conservait cette humanité touchante qui avait fait qu’un jour, il en était tombé amoureux. Alors, il attendit ; et peu ne s’en fallait qu’une stèle blanche pour qu’elle plie l’échine, courbe la nuque et s’installe avec eux, dans un recueillement qui était le leur.

Il ne remarqua qu’à retard qu’un attroupement s’était formé autour d’eux, d’où montaient accusations, invectives et quelques insultes supplémentaires à leur endroit, les chargeant d’irrespect quant à la solennité de l’endroit, dernier refuge de leurs souvenirs décousus de l’année passée ; il les contempla d’un œil vide, de cet air peu concerné qu’il savait affecter. Pour toute réaction, il haussa un sourcil, croisa le regard de Daisy, mais aucun mot ne franchit la barrière de ses lèvres alors que les voix s’élevaient avec force et assurance devant leur déni complet. Delhi fut la première à y réagir ; elle prit les armes avec la conviction qui était la sienne, et Ludwig ne l’en empêcha pas. Pas plus que les menaces des autres, il n’écouta pas ce qu’elle leur lança, et continua d’inspecter de sa position ce qu’il pouvait observer, ces quelques plumes, l’herbe tâchée de sang, les éclaboussures sur la clarté de la pierre de la stèle. Lorsqu’on lui toucha l’épaule, il réagit au quart de tour, attrapant le poignet entre ses doigts, le tordant légèrement. L’autre laissa échapper un cri de douleur. La troupe s’était sensiblement rapprochée et semblait prête monter au créneau.

« On reviendra ce soir, quand il n’y aura personne… »

Il acquiesça. Ça commençait à devenir sacrément étouffant.

Les vitres tremblaient sous les assauts répétés de la pluie battante, soufflée de la violence du vent qui en faisait trembler les escaliers. A la faveur des ombres, Ludwig se glissa dans les couloirs, serrant autour de ses épaules sa cape pour tenter d’échapper à la morsure du froid répercuté par les pierres mortes de l’édifice ; le sifflement lugubre du vent s’infiltrait sous les fenêtres mal isolées, entre les carreaux disjoints et s’engouffrait dans les couloirs, lui faisant regretter le confort de son lit. Il n’avait encore jamais connu un Novembre aussi glacial dans le Château ; c’était comme si la magie l’avait quitté, comme si Poudlard… mourait. Il frissonna. Pourvu qu’il ne rencontre aucun fantôme…

Ce fut Delhi qu’il rencontra. Sans un mot, ils se dirigèrent vers la Grande salle où patientait déjà Daisy, et à peine celle-ci les vit qu’elle déclara qu’ils devraient passer par la porte de la cour secondaire. Presque autoritaire, elle avait pris sa décision et se conformait dans l’idée qu’ils la suivraient. Plus par réflexe que pour autre chose, Ludwig attrapa Delhi par le bras, et lui fit comprendre d’un regard que ce n’était pas vraiment le moment de faire montre d’esprit de contradiction ou d’ego mal placé, et l’entraîna de force dans le sillage de Daisy.

L’orage battait son plein. Le chemin jusqu’au parc lui parut interminable. Peut-être auraient-ils du passer par l’entrée principale ? La pluie ruisselait sur ses cheveux, qui étaient plaqués contre son crâne. Elle allait surement être bien malade après cette petite sortie. Elle se retourna pour s’assurer que ses deux compères étaient toujours sur ses talons. Elle n’en revenait toujours pas de faire équipe avec Dehli… La pluie incessante lui brouillait la vue. Il lui était impossible de voir à plus de 10 mètres. Soudain, un bruit attira son attention. Elle se stoppa, et sentit Ludwig la percuter. Mais elle ne bougeait plus, se concentrant sur ces râles sourds. « Vous entendez ça ? » Tout doucement, elle les suivit, se frayant un chemin parmi la pluie. Elle voulait savoir d’où ils provenaient, ce qu’il les produisait. « Je crois que ça vient de… » Elle baissa son regard sur ses pieds. Ce n’était pas possible. Elle colla son oreille sur la terre imprégnée d’eau. « … Sous terre. »

Relevant les yeux vers Ludwig et Dehli, elle aperçut la stèle non loin d’eux. Rapidement, elle se dirigea vers celle-ci. Elle était à l’origine de tous ces mystères, de toutes ces choses étranges qui se produisaient depuis qu’ils enquêtaient. Tout semblait les mener vers cette stèle. Un trou. Un énorme trou se trouvait non loin de celle-ci. A l’endroit précis où l’hippogriffe doré avait été retrouvé. Il se passait quelque chose sous leurs pieds, elle en était persuadée. Elle regarda Ludwig. Il lui suffit d’un regard pour comprendre ce qu’elle voulait faire. Sans bruit, elle s’approcha de la terre meuble. Sans se poser de question, elle se jeta dans le trou, et commença à creuser la terre mouillée à mains nues.

L’explosion l’assomma. Il mit une seconde de trop à se rendre compte de ce qu’ils avaient fait.

Ses oreilles bourdonnaient. Sa vue était brouillée – plus qu’il n’en avait l’habitude. Il ne comprit pas immédiatement que des larmes de douleur s’accumulaient à l’encolure de ses paupières. Une douleur diffuse battait à ses tempes, engourdissait ses muscles ; il se sentait lourd. Il distinguait avec peine les silhouettes des autres qui l’entouraient, sans comprendre exactement ce qu’elles faisaient ; si elles se relevaient, si elles s’approchaient, si elles reculaient, si elles se parlaient, si elles hurlaient. Des sons lui parvenaient, confus, étouffés par le vrombissement persistant dans ses oreilles ; quelque chose de tiède glissait le long de sa nuque. Il l’effleura des doigts ; du sang.

Il roula sur le côté, et le décor bascula. Tout lui semblait se passer au ralenti, alors qu’il clignait plusieurs fois des yeux pour retrouver ce une vue convenable ; il parvint à reconnaître Daisy, puis Delhi dans la pénombre du parc. Elles étaient debout ; elles l’étaient quasiment toutes. Et elles reculaient. Ludwig tenta de se redresser, manqua de tourner de l’œil sous l’effort et la douleur qui sourdait, parvint enfin à se relever ; et à genoux, il fixa ce sur quoi elles dardaient toute leur attention. Le temps qu’il parvienne de nouveau à distinguer les contours nets d’un cratère laissé à la place de la stèle qui avait soudainement explosé, une main jaillit soudainement devant lui, manquant de lui attraper la cheville, tandis qu’une autre l’arrachait à sa transe hypnotique. Le monde explosa dans le grondement de milliers de gémissements gutturaux ; son cœur bondit de même qu’il se retrouvait sur ses jambes, traîné plus qu’il ne parvenait à courir de lui-même par l’une des étudiantes qu’ils avaient rejoint devant la stèle.

Ludwig peinait à retrouver son équilibre ; cependant porté par l’adrénaline que lui inspirait ce qu’ils avaient aux trousses, il conservait assez de coordination alors que la tête continuait de lui tourner. Le décor tanguait tandis que des lumières piquaient soudainement les tours sombres du Château qui se détachait sur le ciel nocturne ; les grognements, derrière lui, se multipliaient par centaines, par milliers, réveillant ces derniers souvenirs qu’il avait tant refoulé pour ne plus avoir à penser à ce qu’il s’était passé. A côté de quoi il était passé. Il accéléra le rythme, son équilibre suivant la cadence, parvenant à se maintenir à celui de l’étudiante qui continuait de lui serrer la main ; il en perdit le contact lorsque son pied s’accrocha à une racine que sa vue bancale, l’handicapant de concert avec la pénombre, n’avait pas vu venir.

Sa respiration se bloqua dans sa poitrine alors que de nouveau, la tête lui tournait, déstabilisé par sa chute, l’empêchant de réagir la seconde suivante alors qu’il se retournait, se retrouvant nez à nez avec une horde de cadavres ambulant dont la vitesse d’avance laissait penser qu’ils n’étaient pas ces simples marionnettes désarticulées qu’une mage noir était capable de faire renaître. Ses pupilles se dilatèrent sous l’effet de la terreur ; d’anciennes images déferlèrent devant son regard. Et Ludwig, assommé, reprenait encore mal ses esprits. Il tenta de reculer, mais ils parvinrent à le rattraper ; à cette distance désormais, il pouvait distinguer des visages. Des visages qu’il avait un jour croisé dans un couloir, à qui il avait peut-être souri, peut-être adressé quelques mots. Peut-être tout cela. Ceux qui étaient tombés… pendant qu’il luttait pour sa propre survie dans un coma dont il n’avait pas même conscience.

Une main décharnée s’abattit sur son bras ; un hurlement lui échappa. De douleur, de terreur ; sous la peau desséchée du cadavre qui se penchait maintenant sur lui, sa brûlure encore sensible s’électrisa, lançant des décharges de douleur jusqu’à ses terminaisons nerveuses. Son poing fendit la mâchoire pourrie de l’Inferi qui le tenait, l’écartant suffisamment pour qu’il puisse se dégager, se relever d’un bond et reprendre sa course. Et cette fois, sa vue et sa pénombre ne furent pas suffisante pour l’empêcher d’atteinte le Château, à peine quelques secondes avant que les portes ne se referment.